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“Chine: la grande offensive”, un “Complément d’enquête” de Michael Szt

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 16 févr. 2021
  • 5 min de lecture

Faut-il avoir peur de la Chine ? La question revient souvent dans les médias qui présentent à juste titre les défis technologiques de l’empire rouge et les relais stratégiques installés par Pékin sur les nouvelles routes de la soie, comme une menace à moyen terme. Mais peu de journalistes analysent les méthodes et la façon dont la Chine pénètre notre tissu industriel ou les rouages de notre système économique, politique et culturel.

L’enquête de Michael Sztanke qui sera diffusée jeudi 25 février dans le magazine « Complément d’enquête » (France2), a le mérite de traiter cet aspect. Le réalisateur passe au crible la plupart des éléments qui prouvent à quel point la Chine avance ses pions en France, en Europe et sur la scène internationale, avec la complicité de quelques têtes politiques.


Jean-Pierre Raffarin, en plateau pour présenter l’émission “Grand angle sur la Chine” de la chaine francophone chinoise CGTN. (capture écran)

La figure la plus marquante est sans doute celle de l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Il doit sa réputation de grand ami de la Chine au fait qu’il a maintenu une visite officielle à Pékin en pleine épidémie de SRAS en 2003, alors que d’autres personnalités internationales avaient renoncé au voyage.

Raffarin a reçu dernièrement, des mains du président Xi Jinping, la médaille de l’amitié. Classé dans la catégorie des « Français pandas » par la critique, il se voit comme un bâtisseur de paix et justifie ses liens avec Pékin en disant : « j’ai emmené plusieurs milliers d’entreprises françaises en Chine : des PME, des grandes entreprises, etc. » Il se transforme même en présentateur télé pour une émission de la chaine francophone de la télévision chinoise, « Grand angle sur la Chine ». Face caméra il aborde des thèmes comme « l’innovation », « les villes intelligentes » ou « un leadership plein de sagesse ». Raffarin ne ménage pas sa peine mais donne l’impression d’être pris dans l’engrenage de la machine politico-économique de l’empire rouge, sans pouvoir faire machine arrière.

Moins connu est le cercle de relations baptisé « Chinese business club » qui se propose de séduire les élites françaises par de multiples contacts et déjeuners parisiens fréquentés par des personnages incontournables du monde des affaires et de la politique.


Le déjeuner du Chinese business Club. (capture écran)

Mais le symbole de la pénétration chinoise qui pose questions est sans doute l’entreprise Huawei. Elle a accueilli dans son conseil d’administration plusieurs têtes politiques françaises comme Jean-Louis Borloo durant quatre ans et à présent Jean-Marie Le Guen qui n’a « pas souhaité s’exprimer » sur sa position.

Lors d’une visite à Shenzhen au siège de la firme, transformé en copie de la Maison Blanche, Arnaud Montebourg raconte son entretien avec le président de « Huawei technologies », Ren Zhengfei, membre du parti communiste et ancien cadre de l’Armée rouge. L’ancien ministre français de l’économie voit dans le message que l’entreprise veut adresser au monde, la volonté chinoise de « prendre le contrôle de la planète ».


Publicité pour Huawei au milieu de la place de la Concorde. (Ph Rochot)

Alors peut-on laisser faire ? Huawei est soupçonnée de fournir à l’état chinois des systèmes de reconnaissance faciale qu’elle utilise dans le contrôle des populations ouighours de la province chinoise du Xinjiang. Le député européen Raphaël Glucksman, qui milite pour la défense de ce peuple, y voit « un instrument de répression de l’état chinois ». Il salue l’initiative du footballeur Antoine Griezmann qui a renoncé à son contrat juteux avec Huawei, pour soutenir la cause des Ouighours.

Le reportage de Michael Sztanke nous conduit dans les régions françaises particulièrement visées par « La grande offensive » de la Chine, comme la Bretagne. Mais pas pour l’attrait de sa côte de granit rose. Pékin lorgne plutôt sur Brest et l’île longue où sont basés les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). A Brest également se trouve l’institut IFREMER sur la recherche océanique, un domaine que les Chinois exploitent à fond pour élargir leur souveraineté au-delà de la mer de Chine et du Japon. Les échanges, la coopération dans les domaines scientifiques entre France et Chine se portent donc bien, mais avec tous les risques que cela comporte.

Côté culturel, l’offensive de la Chine, passe par le cinéma où elle fabrique ses propres héros, rachète des parts à Hollywood, pratique la censure et impose ses standards de production. Mais elle passe aussi par les instituts Confucius. Ces centres culturels sont devenus des têtes de pont de la percée chinoise. On en compte plus de 540 dans le monde et 17 en France. Chaque institut est dirigé par un Chinois, nommé par Pékin, et un Français qui d’après son contrat, doit se plier aux instructions de l’ambassade de Chine. On lui demande par exemple de faire silence sur « les trois T : Tibet, Taiwan, Tiananmen ».

L’université libre de Bruxelles a eu le courage de fermer son institut Confucius suite aux pressions chinoises visant à retirer un texte de solidarité avec les Ouighours publié sur son site internet.


Affiche de l’exposition Gengis Khan repoussée à 2024.

L’offensive culturelle chinoise apparait également au grand jour quand on voit les déboires de l’exposition Gengis Khan qui devait se tenir au musée d’histoire de Nantes. La Chine nouvelle veut réécrire l’histoire et affaiblir le rôle joué par d’autres empires hérités du passé. Elle veut donc réduire l’influence de l’empire mongol, de peur que toute mise en valeur du patrimoine culturel de cette région de Chine ne valorise les minorités et les volontés séparatistes.

Résultat, les Chinois ont refusé d’envoyer les 250 pièces et objets d’art de Mongolie qui devaient enrichir l’exposition. De même ils ont exigé que ni le nom de Gengis Khan, ni le mot Mongol, et ni le mot empire ne figurent dans les textes.

Il faudra saluer l’initiative du directeur du musée d’histoire de Nantes, Bertrand Guillet, qui a préféré jeter l’éponge plutôt que de se prêter à une falsification de l’histoire. L’exposition est donc reportée à 2024 et se fera avec des collections européennes et américaines.

La force de la Chine nouvelle est de placer ses hommes dans la plupart des organismes internationaux. Quatre agences des nations unies sont ainsi dirigées par des fonctionnaires de Pékin : la FAO, la Direction de l’Aviation civile, le Fond de développement agricole qui travaille pour les pays pauvres et l’Union internationale des Télécommunications (UIT).


La Chine tient aussi une position clé dans l’Organisation mondiale de la Santé, ce qui lui a permis de faire passer sa version des faits dans l’épidémie de coronavirus, tout en bloquant les alertes lancées par Taiwan, écartée de l’OMS. Enfin on pourra s’étonner de voir la Chine rentrer au Conseil des Droits de l’Homme avec la ferme intention d’en modifier la définition même.

La Chine a trouvé les moyens et les hommes pour avancer ses pions partout dans le monde. C’est la grande revanche de l’Empire face aux humiliations de la période coloniale. Elle s’est même fixée une date pour devenir la première puissance mondiale, lointaine mais bien réelle : le centième anniversaire de la naissance de la République populaire en 2049. Xi Jinping prône une diplomatie offensive et même agressive depuis son arrivée au pouvoir. Son représentant à Paris, l’ambassadeur Lu Shaye qu’on sait peu diplomate, sera l’invité de l’émission « Complément d’enquête » et saura assurément monter au créneau sans complexe pour défendre les positions de Pékin.

Philippe Rochot

Complément d’enquête : France2 / 25 février/ 22h30. Présentation Jacques Cardoze.

Une production Babel Presse

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