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Cimes et glaciers des Alpes: le grand dérangement… Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 20 août 2019
  • 5 min de lecture

C’était l’une des voies les plus difficiles du massif du Mont Blanc, mais aussi l’une des plus belles : le pilier Bonatti, la face sud-ouest des Drus, superbement enlevée par l’un des plus grands alpinistes de tous les temps, en solitaire: Walter Bonatti, le 22 août 1955. Un demi siècle plus tard, presque jour pour jour, la paroi s’est effondrée comme un château de cartes sur plus de 500 mètres dans sa partie supérieure en septembre 2005. Un second éboulement balaya de nouveau la face en septembre 2011. Le destin a voulu que son vainqueur passa de vie à trépas quelques jours après l’écroulement de la face ouest des Drus. Les alpinistes superstitieux ont vu là un signal alarmant, un avertissement des forces de la nature, une menace qui depuis ce temps pèse sur nos montagnes, touchées par les bouleversements climatiques. Car le pilier Bonatti a bien été victime des changements de températures et du permafrost, autrement dit du gel qui assure normalement le rôle de ciment des rochers d’altitude et lorsqu’il fond, provoque des éboulement meurtriers. Heureusement pas de victimes aux Drus mais la menace persiste partout sur nos cimes.


La Meije. (Ph Rochot)

.A la Meije, autre sommet prestigieux de nos Alpes, les éboulements de roches ont ruiné les projets de dizaines d’alpinistes ces deux dernières saisons. Au delà de la poésie des cimes, la Meije n’est qu’un tas de cailloux qui ne tient que grâce au gel qui cimente les roches. Que la température augmente et tout s’effondre. Les fissures libérées de la glace laissent partir dans le vide des rochers de la taille d’un piano à queue… Le réchauffement provoque la fonte accélérée des glaciers suspendus ou d’altitude comme le glacier Carré, passage clé de la voie normale de la traversée de la Meije. En 2018, un éboulement impressionnant a balayé ce glacier bien connu des grimpeurs, ainsi que la dalle Castelnau, autre passage clé de l’ascension.


Meije: le Doigt de Dieu, depuis la Meije orientale. (Ph Rochot)

« Tant que le glacier Carré est enneigé, la cicatrice est protégée et ne relache pas de blocs… dit Benjamin Ribeyre, guide à La Grave, dans une interview récente au journal Le Dauphiné…et il ajoute : l’éboulement de 2018 a laissé des blocs instables de la taille d’une voiture. » Et ces blocs menacent en permanence la voie normale, surtout l’été par grosses chaleurs. Une poignée de guides a donc trouvé un nouvel itinéraire, proche de celui du 16 août 1877 qui avait vu les premiers alpinistes, Boileau de Castelnau accompagné des guides Gaspard père et fils, triompher de la Meije. La cotation est légèrement supérieure à celle du tracé historique mais l’itinéraire évite des blocs menaçants. Il est peut-être plus sûr mais aussi plus difficile à trouver. Quand on sait qu’il faut partir de nuit, à la frontale du refuge du Promontoire pour cette course superbe mais longue, les grimpeurs auront sans doute du mal à s’habituer à ce nouvel itinéraire. Les alpinistes ont donc tendance à déserter l’endroit et la saison de montagne est progressivement décalée d’un mois. Les courses se font de juin à juillet au lieu de juillet-août pour un enneigement meilleur, une température plus adaptée et la survie des quelques névés et quelques glaciers d’altitude, bien utiles pour parer aux éboulements. Le cauchemar serait l’ffondrement du « Doigt de Dieu » qui culmine à plus de 3900 mètres : tout un symbole.

Une planète aux 200 000 glaciers.

On compte paraît-il 200.000 glaciers de montagne sur la planète terre… Les observateurs ont en ligne de mire quelques glaciers symboliques dont la fonte entretient l’inquiétude : le glacier de Sarennes par exemple dans le massif des Grandes Rousses. Son agonie a condamné le ski d’été là où il était pourtant né et ce glacier n’existera plus dans trois ans.


Au glacier Blanc: année 2005. (Ph Rochot)

La Mer de Glace de son côté a reculé d’un km en 50 ans. Elle abrite encore symboliquement la célèbre grotte bleue retaillée chaque année, mais il faut la protéger de la fonte à l’aide d’épaisses toiles qui défigurent le site, tout comme ces échelles et échafaudages métalliques interminables pour descendre à son niveau.



Le glacier Blanc en 2005 (image du haut) et en août 2019. La langue glaciaire a disparu. (Ph Rochot)

Dans le massif des Ecrins, le glacier Blanc, le plus grand glacier du massif est placé sous haute surveillance. Une station météo vient d’être installée à 3200 mètres d’altitude pour en observer les métémorphoses. Les anciens se plaisent à raconter qu’au milieu du 19ème siècle, le glacier Blanc rejoignait son compère le glacier Noir, en amont du Pré de Mme Carle. Dans une récente conférence tenue à Vallouise, le chercheur Bernard Francou de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) constate que le le bilan de masse des glaciers alpins (enneigement et fonte) était équilibré jusqu’en 1980, avec une augmentation du bilan de masse pour le glacier Blanc.


Echelle d’accès au refuge du glacier Blanc: 1982. (Ph Rochot)

Les séracs menaçaient même la passerelle d’accès (d’où la création d’une échelle de contournement sur les rochers) en 1985 /1986. Puis le glacier n’a cessé de reculer avec le temps et perd près de trois mètres d’épaisseur chaque année.

Au milieu du 19è siècle, les glaciers noirs et glaciers blancs se rejoignaient au lieu dit “Pré de Mme Carle”. (Gravure reproduction en affiche)

L’évolution du plus grand glacier d’Europe, le glacier d’Aletsch qui s’étale sur 23km dans le Haut-Valais des Alpes suisses est tout aussi inquiétante. Il perd chaque année 50 mètres de longueur et en même temps sa beauté, son tracé harmonieux qui cède la place à un sillon de rocs gris et tristes… Aletsch aura perdu 40% de son volume à la fin du siècle.


Glacier d’Aletsch: une perte de 10 km à la fin du siècle. (Ph Rochot)

Une montée des mers de 50cm...

C’est donc un cri d’alarme que lancent les chercheurs comme Bernard Francou avec ces chiffres inquiétants. L’augmentation prévisible des températures de 2 degrés d’ici la fin du siècle provoquera la disparition de 80% des surfaces glaciaires dans le monde. On mesure également la dimension du problème si l’on fait la comparaison avec les glaciers de l’Antarctique. La fonte de ces glaciers entraînerait une augmentation du niveau des mers de 58 mètres. Si les glaciers de montagne fondaient totalement, le niveau des mers augmenterait de 50 cm. C’est dire si l’on a affaire à des masses de glace énormes en Antarctique… Dans tous les cas de figures, ce sont des prévisions catastrophiques qui sont avancées.


Touristes chinois à la Jungfrau près du glacier d’Atetsch. (Ph. Rochot)

Les scientifiques ont largement démontré que l’homme était responsable du réchauffement climatique actuel. Malgrè cela, les climatosceptiques ont la vie dure. On rencontre encore dans nos vallées des habitants qui disent que tout cela n’est que le résultat d’un cycle d’évolution du climat dans lequel l’homme n’a pas grand chose à voir, qu’il existe d’autres théories scientifiques aux Etats-Unis qui blanchissent l’action des humains. Les théories fumeuses des conseillers de Donald Trump qui ont poussé à l’abandon de l’accord de Paris sur le climat, polluent également nos montagnes.

Philippe Rochot


Fonte des glaciers depuis le refuge du couvercle. (Massif du Mont Blanc.)

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