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Daech, Mossoul, Bolloré… à la “Une” du Prix Albert Londres 2017. Philippe Rochot.

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 4 juil. 2017
  • 4 min de lecture

Samuel Forey, David Thomson, Tristan Waleckx, Matthieu Régnier à la remise du Prix Albert Londres 2017. (photo P Rochot).

« La guerre a aussi ses silences. Elle chasse la vie comme un feu de forêt chasse la faune et détruit la flore. Qu’elle cesse un instant et le silence s’installe, immense et souverain. » Ce sont les quelques lignes qu’écrit Samuel Forey dans son récit de l’accident qui a coûté la vie à ses trois confrères d’Envoyé Spécial victimes de l’explosion d’un engin piégé dans les ruines de Mossoul : Stephan Villeneuve, Véronique Robert et leur fixeur irakien Bakhtyar Haddad. Une page s’est tournée pour le reporter du Figaro : « Je voulais finir cette bataille avec la meilleure des unités irakiennes. J’avais suivi cette reconquête pas à pas. C’était l’aboutissement de trois ans de couverture de la guerre contre l’Etat islamique. J’étais arrivé pour la première fois en Irak en juin 2014 quand les djihadistes s’étaient emparés de Mossoul. »


Samuel Forey avec Annick Cojean, présidente du Prix et Claire Meynial (lauréate du prix AL 2016).

Les récits poignants que Samuel Forey a écrits avant cette tragédie dont il a été témoin et victime lui valent aujourd’hui le Prix Albert Londres à l’âge de 36 ans. L’auteur nous conduit dans des situations surprenantes et inédites comme la police féminine de Daech, la « Hisba » qui veille au strict respect du port du vêtement islamique et sanctionne les contrevenantes par de profondes et cruelles morsures. Après les exécutions, les lapidations, l’exposition des corps suppliciés ou celles des têtes coupées, la morsure est le châtiment au quotidien, la routine de la brigade des femmes. Sur la base de témoignages, Samuel Forey décrit ce que fut la frime des djihadistes français dans les rues de Mossoul au début du califat, traçant le portrait du fameux Abou Bakr El Fransi au volant de sa BMW. Il nous livre un éclairage précieux sur la vie à l’intérieur des territoires contrôlés par le pseudo Etat islamique : « Daech transforme la société. L’organisation invente un système de castes, dominé par ceux qui ont prêté allégeance, en premier lieu les combattants étrangers et les cadres irakiens. Le reste, la plèbe, le petit peuple, la masse, est un troupeau que mène le « guide » Abou Bak’r el Bagdadi. »


Djihadistes français à Mossoul: un des reportages de Samuel Forey en Irak, récompensé par le Prix Albert Londres. “Le Figaro”.

Cerner Daech, identifier ses hommes de main, connaitre leurs mode de vie, leurs secrets, leur fonctionnement, leur mentalité, leurs motivations : voilà sans doute ce qui fascine le public et les médias depuis la prise de Mossoul par l’Etat islamique et les attentats de Paris.


David Thomson qui reçoit le « Prix Albert Londres du livre de presse » pour son ouvrage « Les Revenants » est sans doute le meilleur connaisseur de ces hommes au goût suicidaire qui ne rêvent qu’au martyr. Il pose ici la problématique du retour au pays de ces djihadistes endoctrinés, fanatisés, animés par une forte volonté de revanche. Sur la base de précieux témoignages, l’auteur décrit des expériences qui glacent le sang mais forcent parfois le respect et l’admiration quand on voit cette famille française partie seule en Syrie rechercher un fils égaré sur les fronts d’Alep ou de Mossoul.


Curieusement, ce livre fut contesté dès sa sortie par quelques grands spécialistes dits du « contre-terrorisme » qui occupent les fauteuils des chaines d’info. Puis ces critiques ont été balayées par la valeur et la force des témoignages qui valent aujourd’hui ce prix à David Thomson.

——————- Le Prix audio-visuel, attribué au reportage « Bolloré, un ami qui vous veut du bien » de Tristan Waleckx et Matthieu Rénier, récompense une enquête passionnante qui tire la sonnette d’alarme face au regroupement des médias entre les mains de puissants patrons. Vincent Bolloré lance des opérations d’achat vers des groupes comme Bouygues ou Vivendi mais aussi vers les entreprises de presse, justifiant l’inquiétude du monde journalistique. Son denier « coup de pied dans le PAF » lui a permis de prendre le contrôle de Canal+ et d’écarter ses dirigeants qui n’ont guère eu le temps de voir venir. « La haute direction d’une grande maison mérite un peu de terreur, un peu de crainte » lance-t-il lors d’une réunion avec les dirigeants désavoués, confirmant sa réputation de « patron le plus redouté de France. » Sa chaine d’info ITélé a vécu une crise sans précédent avec une rédaction de 180 journalistes qui a fait grève plus d’un mois et dont 80 ont quitté l’entreprise pour des raisons déontologiques. Il a lancé ensuite CNEWS dont il est apparemment le grand maître à bord.


Complément d’enquête sur Bolloré animé par Nicolas Poincarré.

L’enquête nous éclaire aussi sur le rôle essentiel des entreprises de Vincent Bolloré en Afrique, ses bonnes relations avec les chefs d’état du continent noir mais aussi ses multiples contacts avec le monde politique en France. Primer pareille enquête est aussi un geste nécessaire, utile, militant même. Ce reportage « Bolloré, un ami qui vous veut du bien » a dû faire face à trois recours en justice comme l’on souligné les auteurs lors de la remise du Prix.

Tous ces journalistes et reporters d’images qui ont signé les sujets primés, s’inscrivent bien dans la lignée directe d’Albert Londres comme l’a rappelé la présidente du Prix, Annick Cojean car leur mission est restée la même selon la formule sans cesse répétée, « porter la plume dans la plaie ». Philippe Rochot


Annick Cojean, présidente du Prix Albert Londres avec les auteurs de “Bolloré, un ami qui vous veut du bien”.

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