Dans la peau d’un Indien : portraits d’Olivier Culmann. Philippe Rochot
- Philippe Rochot
- 5 nov. 2017
- 2 min de lecture
“Dans ces studios les gens se reconstruisent une identité idéale…” (Olivier Culmann. Expo The Others.)
Le visiteur qui recherche la trace des hommages aux victimes des attentats du Bataclan ou de Charlie Hebdo sur la place de la République à Paris sera sans doute déçu : statue ravalée, plan d’eau nettoyé, écriteaux retirés, bougies éteintes… Mais il découvrira avec bonheur l’œuvre originale du photographe Olivier Culmann qui s’est imposée là sans battage médiatique ni offensive publicitaire.

A première vue, des portraits d’Indiens, de plein pied ou de face, dans des studios colorés, rétros, devant un fond blanc, un mur. On y voit des militaires, des policiers, des fonctionnaires, des sportifs, des sâdhus, des intellectuels etc… En réalité c’est l’auteur lui-même qui s’est inséré dans l’image, se plaçant dans la peau de différents citoyens. Car en Inde, chacun se définit par sa tenue vestimentaire, un élément capital dans cette société tant cloisonnée. L’homme est identifié selon sa caste, sa classe sociale, son origine géographique, sa religion.

L’habillement est donc essentiel pour tenir son rôle social. Et cela passionne l’auteur de cette expo baptisée The Others. « On n’existe que par rapport à l’autre, au regard que l’autre porte sur vous » dit Olivier Culmann. Installé au Kerala, puis à Delhi, il passe de longues journées à observer les gens, relever les signes qui les distinguent comme la coiffure, le vêtement, la coiffe ou les simples lunettes.

L’artiste rassemble ainsi des éléments de décor comme le permettent les technologies d’aujourd’hui, parcourant par exemple les studios de quartier, colorés, rétros, endossant les habits pendus à un clou que les photographes laissent en place pour les besoins des clients : « Dans ces studios les gens se reconstruisent une identité idéale. J’ai photographié des studios vides, puis utilisé ces fonds pour faire des photos ; ensuite j’ai refait des tirages. J’ai vu comment les gens jouaient leur rôle dans la vie sociale, quelle attitude ils avaient. » Olivier Culmann estime qu’avec le numérique on peut aujourd’hui tout faire, dessiner par exemple des fonds virtuels avec le Taj Mahal ou même choisir des corps sans tête sur lesquels on peut glisser son propre visage. Ce qu’il fait.
Dans sa démarche hors du commun, il a confié à des laboratoires de retouche indiens différents morceaux de portraits déchirés afin de voir comment chacun allait restaurer la partie manquante. Le résultat est édifiant. De même Culmann a remis à un artiste indien des portraits en noir et blanc. Il lui a demandé de les reproduire en peinture sur toile, en s’inspirant de différents styles comme par exemple les affiches de cinéma de Bollywood. Il faut donc saluer la démarche de l’artiste, simple et réussie qui trouve facilement sa place à côté de la statue de la République à Paris entre skates, poussettes, vélos, SDF et gamins des rues
. Philippe Rochot
– Olivier Culmann est l’auteur de l’expo et du livre Les Mondes de l’école. Il a reçu le Prix Niepce 2017. – Expo jusqu’au 20 novembre 2017.
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