Des migrants sans bagages: évacuation porte de la Chapelle. Philippe Rochot.
- Philippe Rochot
- 7 juil. 2017
- 2 min de lecture
« Si vous revenez la semaine prochaine, l’endroit sera plein de nouveau. » Béatrice, membre de l’ONG « Utopia56 », déblaie les tentes et les matelas, empile les chaussures abandonnées. Elle semble fataliste mais bien décidée à continuer de prêter main forte aux associations qui aident les migrants. Car le spectacle laissé derrière eux en dit long sur la façon dont ils ont vécu sous ce nœud autoroutier pendant plusieurs semaines, dans les gaz d’échappements, le bruit infernal, la crasse, les rats et un seul point d’eau. Le centre d’aide aux migrants de la porte de la Chapelle, sous sa bulle blanche visible de loin a bien fonctionné mais rapidement il a sature : 400 places alors que dehors ils sont 2000.

Les migrants s’installent donc autour, partout où l’on peut caler son corps, entre deux blocs de béton, sous un pilier de pont d’autoroute, entre deux arbres qui ont poussé là, devant l’entrée de la déchetterie.
Pas de tension lors de l’évacuation. Les migrants acceptent, suivent le mouvement, fatigués. Ils n’ont pour seul bagage qu’un petit sac à dos. Omar, un jeune Soudanais, a récupéré une trottinette et il ne veut pas s’en séparer.

Les migrants parlent peu. Samih est afghan, de Kunduz. Il me dit qu’il ne sait pas où on l’emmène mais qu’importe il a confiance. Des Afghans, des Soudanais, des Erythréens, des Somaliens, que des hommes d’une trentaine d’années : pas de familles mais quand même aussi des très jeunes.

Leur crainte est de se voir refuser l’asile car une bonne partie d’entre eux ont déjà été enregistrés dans le premier pays où ils ont débarqué : l’Italie ou l’Allemagne.
La seule vue d’un appareil photo leur fait peur. Ils n’ont pas encore coupé les ponts avec leur pays, la guerre, la répression et redoutent toujours d’être vus, dénoncés, pourchassés par quelque ennemi invisible. La présence des employés de la préfecture d’Ile de France, de l’Office d’immigration et d’intégration, de la Mairie de Paris et celle de 350 effectifs de la préfecture de Police a plutôt l’air de les rassurer. Elle montre aussi que les autorités commencent à être rôdées. Les 2771 migrants seront logés dans des gymnases, des salles de fête désaffectées et tout local pouvant les accepter en Ile de France. Ils seront nourris et pourront recevoir des soins, mais pendant 3 ou 4 semaines seulement.
Ensuite, ce sera de nouveau l’inconnu. Personne ne compte être régularisé en moins d’un mois même, même si les procédures vont s’accélérer.D’autres prendront leur place et pourront eux aussi gagner quelques mois.

C’était la 34ème opération de ce genre en deux ans. Ça ne sera pas la dernière me souffle Béatrice avant d’enfourner dans un vaste sac en plastique des pantalons et des T-shirts crasseux, troués, déchirés, abandonnés là par les migrants qui sont montés sans bagages dans les cars.
Philippe Rochot
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