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“Dunkerque” et le repli britannique : faut-il voir le film de Christopher Nolan ? Philip

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 25 juil. 2017
  • 3 min de lecture

« La guerre n’est pas un jeu vidéo » écrivait un critique en évoquant le « Dunkerque » de Christopher Nolan. Rassurons-nous, ce film ne l’est pas. Son mérite est d’abord de nous rappeler une page d’histoire pas forcément mise en valeur dans nos livres scolaires. Il est aussi de nous tenir en haleine pendant près d’une heure trente avec beaucoup d’action et très peu de pauses. Il ne s’agit pas d’un film historique, encore moins d’un documentaire mais d’une œuvre personnelle. On est pourtant très proche de la réalité et donc en droit de s’interroger sur le rôle et le destin des personnages.

Un bref rappel: l’opération Dynamo en 1940 a permis d’épargner la vie de 200 000 soldats britanniques et de 130 000 Français encerclés dans la poche de Dunkerque.

Dunkerque capt

Au printemps 1940, les alliés fuient l’avancée des troupes allemandes et se retrouvent bloqués sur Dunkerque. Les côtes anglaises ne sont qu’à 40 km mais les navires de guerre qui transportent cette armée en déroute sont bombardés, torpillés, coulés. Des bateaux de pêche ou de plaisance viennent en renfort pour évacuer des dizaines de milliers de soldats. L’opération mettra en lumière le courage, le sacrifice et l’engagement de ces hommes. A tel point que Churchill qui espérait récupérer seulement 30 000 soldats sur les 400 000 encerclés dans cette poche, en verra revenir dix fois plus. Christopher Nolan a sans doute sa propre vision de l’événement, essentiellement américano-britannique. Elle ne laisse guère de place au rôle des Français. On aperçoit juste au début du film une barricade imposante dans le port de Dunkerque, fermement tenue par des soldats français qui laissent passer avec un certain mépris, Tommy le britannique en fuite vers la plage. On voit aussi quelques frenchies qui tentent de se mêler aux britanniques pour déserter l’endroit et l’expression « mangeur de grenouilles » s’installe naturellement dans les dialogues… Dans un échange, les officiers donnent d’ailleurs le ton : « officiellement on évacue Britanniques et Français mais dans la réalité, on donne priorité aux Britanniques. »

Dunkerque 2 capt

Aux yeux du réalisateur de Dunkerque il serait sans doute déplacé, vulgaire, suspect, d’accorder une quelconque importance au rôle qu’a joué l’armée française dans la protection de la « retraite britannique ». Les spécialistes le confirment pourtant : «40.000 Français ont mené une résistance acharnée contre 160.000 Allemands pour protéger le périmètre et permettre aux Britanniques d’évacuer. Ils se sont sacrifiés», écrit l’historien Dominique Lormier dans La bataille de Dunkerque. Tout juste retient-on la réflexion du Commandant Bolton qui dirige l’opération Dynamo : « les Français et notre arrière garde tiennent bon ! »


Dunkerque mai 1940: la panique à l’embarquement (photo historyweb)…

On voit donc peu les frenchies, mais encore moins les Allemands, réduits à leurs simples bouches à feu sur les plages de Dunkerque ou à leurs bombes et mitrailleuses équipant leurs stukas qui contrôlent le ciel sur les côtes de la Manche. Il eût été passionnant pourtant de comprendre comment les plages de Dunkerque avaient été encerclées par la Wehrmacht mais ça n’est pas l’histoire que Christopher Nolan a choisi de nous raconter. Son but n’est pas de nous montrer les forces en présence ni encore une fois de réaliser un documentaire historique. Dunkerque est bien une œuvre personnelle. Elle est pourtant trop près de l’événement et de la réalité pour être qualifiée de fiction. Le rythme endiablé du film, la violence, les drames qui se succèdent avec les noyades, les bombardements, les tirs, les empoignades, ne laissent plus guère de place à l’émotion. De même le son, surpuissant comme sait le mettre en valeur le réalisateur de « la trilogie Batman » finit souvent par écraser l’image alors que les dialogues sont réduits à leur portion congrue.


Dunkerque: 2014, sa ville son port. Ce navire-école autrefois allemand fut donné à la France en 1946 au titre de dommage de guerre et rebaptisé Duchesse Anne… (c) Ph Rochot)

L’auteur montre cependant avec conviction que le tour de force des Britanniques dans cette histoire est sans doute d’avoir transformé en victoire relative, ce qui s’annonçait comme une cuisante défaite et un vaste carnage. Les soldats britanniques de retour au pays sont surpris de se voir acclamés en héros. L’un d’eux ramènera l’exploit à sa juste valeur : « on a simplement survécu! » Et Churchill lui-même aura tendance à minimiser l’exploit en disant: “on ne gagne pas des guerres avec des évacuations”.

Philippe Rochot ——————

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