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Délires et fantasmes de Hassan Hajjaj: Expo Maison Européenne de la Photo. Philippe Rochot.

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 11 sept. 2019
  • 2 min de lecture

Ce qui frappe d’emblée le visiteur, c’est le déluge de couleurs saturées, éclatantes qui volontairement ne s’accordent pas, de personnages dans des positions grotesques, photographiés en gros plan, en extérieur ou en studio, de portraits kitsch en diable plaqués sur les murs de la Maison européenne de la Photo.


A y regarder de plus près, on découvre la démarche intellectuelle de l’artiste Hussein Hajjaj : la provoc. Les photos elles-mêmes sont encadrées par une succession de petits casiers dans lesquels l’artiste a placé des cannettes de bière, des pots d’olives ou des boites de coca… Tout cet ensemble contribue à attirer le visiteur dans son univers dès la première image… Un univers qui a pour cadre le Maroc. Hajjaj est marocain, Britanno-marocain plutôt..


Cette double identité lui permet de mettre les pieds dans le monde occidental et d’y être crédible, élément indispensable selon lui : « Lorsqu’on est un artiste d’un pays du Tiers Monde, il faut un lien à quelqu’un d’Occidental pour être pris au sérieux, comme si notre carrière ne pouvait pas exister indépendamment d’une déclinaison de quelque chose existant déjà en Europe. » Dans ses œuvres, c’est surtout la culture marocaine qui domine. Il a choisi par exemple de remettre en lumière ce peuple oublié que sont les « Gnawa », descendants d’esclaves qui ont apporté leurs rituels d’Afrique de l’ouest et dont la musique spirituelle s’est inspirée de l’islam. Ils sont chargés de faire disparaître les mauvais esprits cachés dans les demeures.


Hajjaj veut donner de son pays une image différente des clichés qui circulent encore en occident : « Quand on pense au Maroc, les gens pensent au Sahara, aux chameaux, au thé à la menthe. Je tente de créer une conversation entre les mondes, j’essaye de présenter une image moderne, mixte, complexe, positive de mon pays. Si j’emploie ces clichés, c’est pour mieux les détourner, en jouer, créer un dialogue entre les attentes et la réalité du pays. »


Détourner les clichés : Hassan Hajjaj sait faire… Il part de la femme voilée pour nous montrer des créatures qui portent des foulards Hermès ou Gucci en guise de hijabs, ou parfois de vulgaires copies, des chaussettes de toutes les couleurs à la place des bas noirs sous les babouches, des lunettes de soleil en forme de cœur et qui circulent en mobylette.


L’artiste se justifie ainsi : « Je voulais surtout décloisonner les stéréotypes et les peurs autour du voile, qui sont si présents depuis des années aujourd’hui. » De même on voit des portraits d’hommes habillés avec des vêtements taillés dans les toiles servant à fabriquer les sacs bon marché qu’utilisent les migrants. On reconnait même JR parmi les personnages qui se sont prêtés à l’art du portrait selon Hajjaj. Parfois les poses et le cadrage rappellent ironiquement les portraits studio des photographes maliens Seydou Keita ou Malik Sidibé du siècle dernier, la couleur et le folklore en plus.


Hassan Hajjaj expose par séries. Il y a par exemple les « Kesh angels » diminutif des « Marrakech angels », femmes à mobylette qui sillonnent les ruelles de la vieille ville et à qui il donne des allures de loubards. Citons également la série rockstars, fortement caricaturée à la sauce marocaine. On dit de Hassan Hajjaj qu’il est un peu le Andy Warhol marocain pour avoir par exemple transformé le portrait de Madonna en femme berbère. L’artiste n’aime pas cette comparaison et il a sans doute raison ; son œuvre est suffisamment riche pour qu’il prétende se comparer d’abord à lui-même.


Le visiteur dont le regard est souvent fasciné par les images, oublie parfois que le mobilier de l’expo s’inspire de la même démarche. Les sièges sont par exemple fabriqués avec des caisses de boisson et recouverts de tissu de grands couturiers. Un studio a même été aménagé pour permettre aux amateurs de se tirer le portrait dans une ambiance Hajjaj reconstituée.

Philippe Rochot

MEP : Maison européenne de la Photo (rebaptisée pour la circonstance Maison marocaine de la Photo) . 11 sept au 17 novembre 2019. Ouvert du mercredi au dimanche.


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