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Ebdo : naissance d’un nouveau mag en pleine tourmente des médias: Philippe Rochot.

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 11 janv. 2018
  • 4 min de lecture

Article écrit pour la sortie d’Ebdo, le 11 janvier 2018, qui n’aborde donc pas la polémique à propos de Nicolas Hulot. Ebdo a déposé son bilan le 20 mars 2018 après une chute spectaculaire du nombre de lecteurs…

Jamais la presse et les médias n’ont été autant pointés du doigt, désignés responsables des maux de la société, traités de messagers du mensonge et du complot, accusés de connivence avec le pouvoir politique. Il faut donc un certain courage et une belle dose d’optimisme pour lancer un nouveau journal. Et sur papier en plus. C’est pourtant le défi que relève Ebdo qui sort ce vendredi en kiosque alors que le marché est déjà occupé par les magazines traditionnels : l’Obs, Le Point, L’Express et bien d’autres. Mais là rien à voir nous disent les fondateurs, Laurent Beccharia et Patrick de Saint-Exupéry qui ont déjà l’expérience largement positive des revues XXI et Six mois.


La soirée de lancement de ce 10 janvier donnait un aperçu du succès rencontré par Ebdo : un public jeune dans une rédaction située en plein quartier Saint-Germain à Paris alors que la plupart des journaux décentralisent leur siège pour des raisons économiques… Le premier numéro de couleur rouge avec les deux phares d’un train stylisé annonce une enquête sur « l’intouchable SNCF : comment l’entreprise échappe à la justice. » Cette « Une » ne fait pourtant pas l’unanimité. Un confrère me glisse : « on dirait La Vie du Rail ». Mais pour le contenu rien à voir. L’enquête se penche sur le flou qui entoure les catastrophes ferroviaires et la façon dont la SNCF tente de dégager ses responsabilités : sujet inépuisable et toujours payant.

Ebdo couverture (Copier)

Une page est consacrée à l’incontournable patron de l’entreprise Guillaume Pépy avec des « révélations » inquiétantes mais douteuses sur les rapports entre la firme et les « journalistes amis ». L’auteure avance que « certains (journalistes) sont rémunérés par Tilder, l’agence de communication de la compagnie, pour faire du coaching : un éditorialiste politique d’un grand quotidien, un intervieweur radio, des cadres de chaîne télé. » Ebdo en dit trop ou pas assez car si réellement des journalistes de rédactions parisiennes sont rémunérés par la boite de com de la SNCF il faut aller plus loin, donner des noms… et avancer des preuves… Ebdo respecte-t-il ses promesses de campagne ? La directrice de la rédaction, Constance Poniatovski, s’engageait avec sa trentaine de journalistes à « retrouver le lien avec les lecteurs, échanger, partager. Une personne de la rédaction sera en contact permanent avec eux. » Ebdo a suivi cette ligne en envoyant une camionnette sillonner la France et la Belgique, rencontrer les gens sur les marchés, dans les entreprises ou les élèves dans les lycées pour recueillir les désirs des lecteurs potentiels… Le mag adopte même en slogan de première page : « lisez-nous, lisez-vous. » Il faut montrer que c’est le lecteur qui choisit les sujets et donne des idées aux journalistes. Normal, c’est lui qui paye.

Ebdo se vante de fonctionner sans pub, uniquement sur vente en kiosque, abonnements et grâce à l’incontournable financement participatif qui permet aujourd’hui à des dizaines de revues et d’associations de survivre.


La tournée d’Ebdo à la rencontre de ses futurs lecteurs…

L’hebdomadaire se déclare « proche des gens », à l’écoute, avec des engagements forts. “On va arrêter d’aller à l’hôtel en reportage. Si vous êtes d’accord on viendra chez vous vous rencontrer… on va vous parler de vous. ” Rien d’étonnant de trouver en première partie une enquête sur les problèmes éthiques de la vie : PMA, suicide assisté, gestion de la mort et de la naissance ; autant de bouleversements qui passionnent le public. Sujets souvent simples mais thèmes toujours payants comme l’éternel problème de l’amiante où les défis lancés à l’union européenne.

La nouveauté est de voir les sujets rafraichissants alterner avec les enquêtes sérieuses. Je veux citer le reportage sur l’ancien aéroport de Berlin, Tempelhof qui a servi à alimenter la ville pendant le blocus et la guerre froide et qui est devenu un immense parc urbain. Je retiens aussi la librairie ambulante qui sillonne les routes de l’Ardèche et nous fait voir une autre France. Sujets surprenants parfois comme le poids des médiums dans notre société : cent mille voyants sont en activité dans notre pays. Les gendarmes y ont parfois (discrètement) recours pour élucider une affaire et des parents de disparus comme ceux de la petite Maëlys, s’adressent aussi à eux. Mais sans succès jusque là.


L’enquête sur le loup est dépaysante et le choix de l’éleveur, aux propos directs et sincères pose bien le problème de la protection du canidé : « on nous parle de souffrance animale mais nous nos bêtes on les aime, on en vit, on n’est pas des marchands de viande. » Dans la série « on est à votre écoute » je retiens aussi les pages intitulées « paroles » consacrées au lecteur qui peut s’exprimer en passant par la plateforme numérique « La Source.» Car on a beau vanter les mérites et l’endurance de la presse papier, il faut bien à un moment ou un autre passer par la Toile.

Ebdo est-il donc vivable ? Les chiffres alignés ont de quoi impressionner : 200 000 exemplaires tirés pour ce premier numéro, plus de 6000 abonnés et près de 400 000 euros récoltés grâce au financement participatif : un véritable record dans l’histoire du crowfunding. Ebdo veut se caler sur 90 000 lecteurs : un score optimiste mais réalisable pour un journal qui apporte quelque part une forme de renouveau de l’hebdomadaire traditionnel.

Philippe Rochot

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