Entre « Révolution culturelle » et dressage de canidés: faut-il voir « Le dernier loup » ? Philippe
- Philippe Rochot
- 31 mars 2015
- 2 min de lecture
L’histoire de la Chine des années 60 a toujours quelque chose de fascinant. La période où se déroule l’action du « dernier loup » de Jean-Jacques Annaud, 1967 devrait nous bouleverser : dix ans de révolution culturelle, la mise à sac des « quatre vieilleries » par les gardes rouges, lancés dans une opération destructrice sans précédent. Les étudiants font passer les professeurs en jugement, les paysans jugent les propriétaires, les écrivains doivent répondre d’un comportement bourgeois et réactionnaire, et les enfants dénoncent leurs parents. Mais de cela nous ne verrons rien. On peut penser que l’œil vigilant du Parti a su lisser cette période qui dans le film de Jean-Jacques Annaud ressemble plus à celle d’un camp de vacances qu’à la purge impitoyable qu’elle aura été. De la « révocul » on ne voit guère qu’une file d’autobus et quelques drapeaux rouges circuler au pied de la Grande muraille avant de passer en Mongolie intérieure, comme le font chaque jour des centaines de cars de touristes. La révolution dite culturelle est quand-même présente dans la vie des deux étudiants venus « éduquer » les bergers, sous l’œil d’un commissaire politique plutôt « cool », qui répond aux ordres décalés et stupides donnés par Pékin.

Les loups du dresseur Andrew Simpson: incontestablement les vraies vedettes du film… (capture écran)
Mais le but du film, tiré du best-seller de Jian Rong, « Le totem du loup », histoire sincère d’un homme tombé amoureux de la faune qui peuplait ces grands espaces, était de mettre en valeur la défense de l’équilibre naturel en Mongolie, plus que jamais menacé par le développement anarchique de la nouvelle Chine. Et Jean-Jacques Annaud parvient à placer ce message, à travers le personnage de Aba, vieux pasteur mongol, sage et solide, garant de la tradition de la culture de son peuple et de son mode de vie. “Tuer les loups, traquer leurs petits va entraîner la prolifération des gazelles qui mangeront les herbes et priveront les troupeaux de leur nourriture essentielle.” De même si l’homme tue trop de gazelles, les loups n’auront plus rien à manger et s’attaqueront aux troupeaux de moutons. Là est sans doute la leçon d’écologie donnée par le film et livrée aux Chinois.
On peut se rassurer en mesurant le succès du livre et du film : des millions de spectateurs et un ouvrage “le plus lu depuis le petit livre rouge”… Les Chinois sont sensibles aux problèmes d’environnement. Mais au-delà de ce message il y a les paysages grandioses de Mongolie, le jeu des loups admirablement guidés par le dresseur canadien Andrew Simpson et qui nous font oublier les scènes « guimauve » que Jean-Jacques Annaud aime nous servir dans les films comme “l’ours” où il fait jouer des animaux. Il y a cette superbe séquence qui empêcha longtemps le réalisateur de trouver le sommeil : l’attaque d’un troupeau de chevaux destinés à l’armée populaire par une meute de loups, de nuit et en pleine tempête, qui se soldera par la mort des chevaux pris dans les glaces d’un lac gelé.
Loup du Mercantour (Photo Ph Rochot)
Je ressens finalement le film comme un spectacle mais où le réalisateur parvient à évoquer le fond du problème, celui du respect de la nature. Pour cela il peut être considéré comme une réussite et il faut voir « Le dernier loup ».
Philippe Rochot

Comments