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Festival photo La Gacilly: un défi au virus… Ph Rochot.

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 23 avr. 2020
  • 2 min de lecture

Alors que la plupart des festivals de film, de théâtre, de photos, de chansons, de rencontres artistiques et tous les salons du livre ont jeté l’éponge, le Festival Photo La Gacilly semble maintenir le cap pour notre plus grand plaisir et notre plus grande curiosité. Comment est-ce possible ? A La Gacilly, la majorité des expos se font d’abord en plein air : normal pour un festival qui se vante de défendre la nature, l’environnement, la planète, les enjeux de société et veut alerter l’opinion sur les tragédies qui nous guettent. Au bord de la rivière, dans des jardins ou le long des promenades du village, on pourra mieux respecter la « distanciation sociale » et le projet reste réalisable.


L’homme qui donna naissance au festival il y a 17 ans, Jacques Rocher, est également maire de La Gacilly, ce qui facilite les autorisations. C’est lui qui a lancé le programme « plantons pour la planète », l’une des grandes réalisations de sa fondation. Il est aussi le fils d’Yves Rocher, décédé en 2009, créateur de la première marque de cosmétiques française. Ce patron hors norme entretenait un rapport étroit et sincère avec la nature et l’a transmis à ses enfants. La programmation du festival sera sans doute allégée, adaptée aux circonstances qui seront celles du début d’été, mais La Gacilly répondra présent avec deux thèmes : les photographes d’Amérique latine et la biodiversité.


Sous l’étiquette « Viva Latina » le festival nous offre d’abord ce qu’on a envie de voir comme le quotidien des gauchos, les cow-boys du Chili, avec le reportage de Tomas Munita qui sent la sueur et la poussière soulevée par les chevaux et les gardiens de troupeaux.


(c) Tomas Munita.


La Gacilly nous ressert aussi les photos déjà bien connues mais toujours impressionnantes de Sebastiao Salgado sur la mine d’or de Serra Pelada au Brésil. En 1986 il a passé plus d’un mois sur place parmi ces milliers d’hommes esclaves des temps modernes, travaillant dans des conditions effroyables, dans l’insécurité la plus totale, dans la boue, victimes des milices et trafiquants de toutes sortes. Le reportage, tout comme l’auteur, sont devenus incontournables quand on traite de l’Amérique latine.

03 Emmanuel Honorato Vasquez La Gacilly

Derrière ces grands classiques on trouve des photographes méconnus qui méritaient de sortir de l’ombre tel l’Equatorien Emmanuel Honorato Vázquez à classer dans les mémoires de l’Amérique latine. Il a su témoigner en image sur la société équatorienne où les Indiens d’Amazonie côtoient une bourgeoisie aisée et une paysannerie qui transpire la misère. Les clichés de cet artiste mort prématurément ont été réalisés alors que la photographie en était encore à ses premiers balbutiements.


Son travail est à rapprocher de celui d’une jeune photographe brésilienne, Luisa Dörr déjà récompensée par un prix au World Press Photo de 2019. Elle nous conduit dans l’univers des Flying Cholitas, femmes boliviennes qui luttent pour leur émancipation. Sa maitrise du portrait couleur donne de la force à ses photos.


Marco Lopez est souvent présenté comme le Martin Parr d’Amérique latine. Il cherche le choc des cultures. Il nous fait sourire avec sa série « Pop Latino » et ses portraits originaux comme cette femme de type indien, l’air grave et digne, mais dont la coiffe est composée de fourchettes, cuillères et couteaux en guise d’épingles à cheveux, vulgaires instruments de cuisine qui bousculent la culture indienne.


(c) Marcos Lopez


La série de Carl de Souza, photographe brésilien apparaît plus sérieuse. Il expose sur la révolte des Indiens d’Amazonie dans le cadre d’un partenariat entre l’Agence France-Presse et le Festival La Gacilly. Il veut nous faire entendre la voix des quelque 900 000 « indigènes » étouffée par le pouvoir central de Jair Bolsonaro, piètre chef d’état et triste sire qui privilégie la déforestation de l’Amazonie et la politique d’élevage intensif sur cette terre indienne, au mépris total de l’environnement.


Cette série rejoint celle de Carolina Arantes dans la défense des Indiens d’Amazonie. Née au Brésil et résidant en France, elle est partie sur le front des incendies à Altamira, au cœur de l’État du Parà, où les richesses de la forêt amazonienne sont tant convoitées. Elle met en cause les grandes entreprises et les fermiers très puissants qui mettent la main sur les ressources du pays au mépris des communautés locales. Les menaces sur la biodiversité restent un sujet récurrent qui sera également le thème majeur du festival de Montier en Der à l’automne prochain. La Gacilly nous offre le travail de plusieurs spécialistes passionnés qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres festivals de nature et d’environnement.


Le photographe Greg Lecoeur part du principe que les 2/3 de la surface de la Terre sont occupés par l’eau et que sous nos mers, réside 95% de l’espace vital de notre monde, un fabuleux domaine d’images. Dans le même esprit apparait le travail d’Alexis Rosenfeld, photographe inlassable et passionné des fonds marins avec sa plongée dans le Parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle Calédonie.


  Alexis Rosenfeld a aussi éternisé à sa manière une faune et une flore marine exceptionnelles dans l’une des plus grandes réserves biologiques au monde au large des îles Salomon autour de l’archipel d’Entrecasteaux à l’est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

On est donc soulagé de retrouver des valeurs sûres au Festival La Gacilly. Pacal Maitre en fait partie. Ce photoreporter qui a eu sa dose de conflits entre la Somalie, l’Irak ou l’Afghanistan nous offre ici un sujet de grande sensibilité : l’odyssée des papillons monarques.


Il suit le grand voyage de ces millions de papillons qui peuplent le nord de l’Amérique et la région des Grands Lacs et fuient les températures glaciales lorsqu’elles s’installent au nord du continent. Ils parcourent ainsi jusqu’à 5 000 kilomètres pour venir hiberner dans les forêts de Michoacan au Mexique. A l’origine, le festival La Gacilly 2020 devait accueillir 300 000 visiteurs et exposer près d’un millier de clichés d’auteurs et d’artistes du Brésil, du Chili, d’Argentique, d’Equateur etc. Qu’en restera-t-il début juin à l’ouverture de cette rencontre ? Tous ne seront pas présents. Les bars, les restaurants ne pourront pas accrocher de photos sur les murs de pierre s’ils ne sont pas autorisés à ouvrir. Et d’aucuns disent déjà que La Gacilly sans restos, ça n’est pas La Gacilly.


Plusieurs expositions seront converties en virtuel et visibles sur le net ou les réseaux sociaux. Le vernissage aura peut-être lieu uniquement sur WhatsApp lors d’un apéro virtuel géant… Les quelque 300 scolaires qui viennent chaque année participer à ces rencontres seront sans doute triés sur le volet et réduits à quelques dizaines. Mais public et organisateurs tiennent à conserver ce rendez-vous comme un défi au virus et une volonté de préserver ce festival en tant que vitrine de la défense de la nature et de l’environnement.

Philippe Rochot Festival La Gacilly, du 1er juin au 30 sept.

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