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« Jihad Academy » ou les dures leçons de « l’Etat islamique »… Mon œil sur le livre de Nicola

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 2 mars 2015
  • 3 min de lecture

« Si les parlementaires français qui sont allés rencontrer Bachar el Assad à Damas avaient pu lire mon livre avant, ils n’auraient jamais fait ce voyage » nous dit Nicolas Hénin avec un humour qui rassure…


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Nicolas Hénin avec la journaliste Basma Kodmani pour la présentation de son livre (28/2/2015 Photo PR)

Pour l’auteur de « Jihad Academy », le vrai criminel dans ce conflit, c’est le régime syrien. On aurait pu s’attendre à un autre coupable de la part d’un homme qui a été pendant près de dix mois otage de « l’Etat islamique » (EI) mais Nicolas Hénin a voulu dépasser sa simple détention et mettre à profit sa longue expérience de journaliste dans la région Irak-Syrie pour nous livrer ce témoignage. Son analyse a le mérite de sortir des clichés et des schémas habituels pour nous placer devant nos contradictions, nos hésitations, nos peurs, nos difficultés. L’occident a commis des fautes et porterait selon l’auteur, une responsabilité certaine dans la création de «l’Etat islamique » et dans le départ de notre jeunesse vers ces régions en guerre : «Discrimination, marginalisation, communautarisme. Voilà le cocktail qui a permis la flambée de l’Etat islamique écrit-il. En occident, il devient une opportunité pour des jeunes en crise d’identité qui cherchent un moyen d’exprimer leur révolte due aux injustices et aux contradictions du monde… Ces gens sont des produits de notre culture ; ils parlent notre langage, ils ont le même bagage culturel que nous, d’où la force de leur propagande » Pour le reste « les prisons du régime syrien comme les camps d’internement de l’armée américaine en Irak auront constitué pour beaucoup une très bonne « jihad academy »

Nicolas Henin liste les erreurs des puissances engagées. Plus l’occident frappe « l’Etat islamique » et plus celui-ci voit affluer de volontaires dans ses rangs.

De même, quand les chasseurs-bombardiers américains attaquent les installations pétrolières tenues par l’EI, afin de priver les terroristes de revenus financiers, l’opération se retourne en fait contre les populations civiles, privées de carburant : « Les frappes américaines contre les installations pétrolières, destinées à couper les fonds de l’EI ont accentué la souffrance des civils. »


Mais quand l’occident ne frappe pas, il est aussi coupable aux yeux de l’auteur. Exemple : la non-intervention franco-américaine en Syrie après le bombardement à l’arme chimique de la Ghouta de Damas à l’été 2013, qui aurait fait près de 1500 morts. Le régime syrien, d’abord en état de panique, s’est senti conforté par l’absence de réaction internationale et a jugé qu’il pouvait continuer d’agir contre son peuple en toute impunité. Nicolas Hénin nous fait part aussi de sa consternation quand il songe à ces étranges ballet aériens quotidiens au-dessus de la Syrie : « Dans le ciel d’Alep se croisent des avions de chasse de la coalition et des hélicoptères syriens qui balancent des barils de TNT sur les populations, mais les premiers n’ont pas de mandats pour attaquer les seconds.. »

On conviendra aisément avec Nicolas que l’occident intervient au « Levant » avec ses «gros sabots », sans finesse apparente et sans guère d’imagination. Il suffit de voir le spectacle que nous offre les médias avec le « show » du Charles de gaulle dans le golfe arabo-persique. Mais face au casse-tête que nous impose l’EI, difficile de se placer en juge des initiatives engagées par les capitales occidentales. On se rassure en lisant que les vrais coupables sont d’abord aux yeux d Nicolas Hénin les régimes syriens et irakiens. L’auteur fait par exemple le calcul suivant : « L’Etat islamique a exécuté près de 1500 personnes dans les 5 mois qui ont suivi la création du califat et en tout peut-être dix mille personnes »…

Il replace ensuite les assassinats d’otages dans leur contexte réel : « Pour 6 otages exécutés, combien de Syriens d’Irakiens, torturés, tués… Ayons la décence de comprendre le dégoût des Syriens qui après plus de 200 000 morts voient l’occident ébranlé seulement par ses otages décapités ». On pourrait répliquer qu’une nation se sentira toujours plus concernée par le sort de ses propres fils que par celui d’autres innocents de l’autre côté de la méditerranée.

Nicolas, ancien otage du groupe « Etat islamique », estime que le régime Assad, avec son jeu diabolique, a créé et favorisé l’action des jihadistes. La preuve : le régime syrien ne combat pratiquement pas l’Etat islamique et l’Etat Islamique combat peu le régime syrien…Il se contente d’occuper le terrain conquis par la résistance syrienne : « Bachar el Assad n’a aucun intérêt à voir disparaître l’Etat islamique qu’il utilise comme épouvantail. »

Nicolas Hénin relativise la puissance de feu de l’EI. Il estime qu’en Irak, l’Etat islamique n’a pu occuper Mossoul que grâce à la débandade de l’armée irakienne, alors qu’à l’origine les jihadistes ne pensaient même pas entrer dans la ville ou simplement tenir symboliquement un quartier. L’Etat Islamique mène peu d’offensives. Sa puissance, ce sont les tribus et les populations sunnites qui se sont ralliées à lui, tant la haine du régime irakien de Nouri el Maliki était forte. Dans ces conditions faut-il renouer avec le régime Assad pour combattre l’Etat islamique ? La réponse est non pour Nicolas Hénin. La DGSI aurait tenté de le faire afin de traquer les jihadistes français, mais les services de renseignement syriens ne savent rien et les candidats au Jihad ne passent pas par Damas…On sait seulement que 50% des jeunes qui partent faire le jihad en Syrie ne reviennent pas. Soit ils meurent dans les combats, soit les chefs, méfiants ne les laissent pas repartir…


Jihad Academy est un livre bien documenté, précis. Les intervenants sont bien ciblés et l’analyse sincère malgré une certaine naïveté qui entretient l’éternelle culpabilité du monde occidental dans ce conflit. La démarche de Nicolas Hénin était aussi de nous faire mieux comprendre l’Etat islamique, son fonctionnement, son idéologie, son rôle social, la menace qu’il représente, la psychologie de ses sympathisants et en ce sens l’auteur a pleinement réussi.

Philippe Rochot

Jihad Academy : nos erreurs face à l’Etat islamique – Nicolas Hénin Editions Fayard:       18 Euros

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