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“Kebab, question döner”, de Benjamin Baudis. Une sociologie du kebab…

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 20 déc. 2018
  • 3 min de lecture

Réveillonner au kebab, pourquoi pas. On pourrait y prendre un plaisir certain, à lire l’ouvrage de Benjamin Baudis : « Kebab, question döner ». Ce sandwich de viande grillée, empalée sur une broche impressionnante est largement apprécié dans toute l’Europe, chez la jeunesse en particulier.

A vingt ans, l’auteur sait donc de quoi il parle. « Les jeunes se sont souvent identifiés à ce sandwich pour des raisons de cœur et de portefeuille. Pour beaucoup, c’est devenu le sandwich de la nuit, du fait des horaires des points de vente. Il n’y a pas mille manières de contrer une faim subite à 1h24 du matin ou de se remplir le ventre à l’aube après des heures passées à danser. »


Kebab au choix ! La publicité du restaurant Estartit à Paris. (photo DR)

Savez-vous qu’il se vend 300 millions de kebabs chaque année en France dans plus de 10 000 enseignes ? Je serais pour ma part tenté de dire que le kebab nous vient de Turquie et que l’Allemagne, abritant une importante communauté turque, il s’est développé d’abord de l’autre côté du Rhin. Pas si simple nous dit Benjamin Baudis ! La naissance du kebab remonterait presque à la nuit des temps. Il faut simplement déterminer à quel moment on le baptise « kebap » qui veut dire « grillé » en turc.

L’auteur nous parle d’une légende qui veut que les soldats de l’Empire ottoman utilisaient leurs épées pour faire rôtir la viande sur le feu. Le terme « döner » utilisé surtout en Allemagne, signifie « tournant ». La viande marinée est en effet empilée sur cette fameuse broche rotative dont on coupe les tranches au fil de la cuisson. Aujourd’hui cette broche est alimentée par un moteur électrique mais autrefois il y avait dit-on un petit moulin à vent pour la faire tourner. Pas de viande particulière pour empiler sur la broche : « l’historienne turque de la gastronomie Özge Samanci explique qu’elle peut être composée de mouton, d’agneau, de veau ou de volaille ainsi que des mélanges possibles de ces viandes ». Des plaisantins ont même fait courir le bruit qu’on y mettait du chat. On peut en tout cas aisément y introduire de la dinde de Noël… En revanche la tradition veut que la sauce soit faite de yaourt, d’huile d’olive et d’épices.


Angela Merkel découpant des lamelles de kebab dans un restau de Berlin… Une façon directe et amicale de tendre la main à la communauté turque. (Photo DR)

Le « döner kebab » s’est imposé en Allemagne grâce à la présence d’une communauté turque qui dépasse les deux millions. Après la chute du mur de Berlin, la consommation de ce plat s’est même étendue à l’Allemagne de l’est. De par le monde on ne consomme pas le kebab de la même façon nous explique Benjamin Baudis. Les Allemands ne mangent pas de frites avec leur kebab et le dégustent debout, à côté du vendeur, contrairement aux Français qui ajoutent des frites et le mangent plutôt assis.

En Turquie, le kebab d’Adana est plus pimenté que celui d’Urfa mais il est clair que ça n’est pas un plat raffiné. L’écrivaine Kénizé Mourad affirme carrément : « La bonne société turque considère le kébab avec un certain mépris. C’est un plat de paysans qui ne représente en aucun cas le raffinement de la cuisine turque ». Cela n’empêche pas son succès. La galette du kebab qui enveloppe les fines tranches de viande grillée, est même classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.


Chine: le bétail du Xinjiang, ressource inépuisable de viande pour la production de kebabs dans une région de culture turque. (Marché de Kashgar: photo Ph. Rochot)

Les lieux où se dégustent les kébabs sont devenus des lieux populaires, branchés, tendance, à la mode. Un candidat à la présidence de la République française de 2017, Benoit Hamon a même organisé plusieurs de ses interviews chez des vendeurs de kebabs. Il existe toute une sociologie du kebab nous dit l’auteur: « On y retrouve aussi bien l’extrême droite qui veut pourfendre la kébabisation de la société que les nutritionnistes et inspecteurs de l’hygiène qui pointent les travers de ces repas. » J’apprends qu’on sert à présent des kebabs avec de la viande de renne, venue carrément de Laponie, le pays du père Noël. On lira donc avec intérêt ce petit livre bien illustré, avec des images anciennes amusantes qui nous en dit long sur les us et coutumes des peuples de notre planète. Le kebab a droit à notre respect. Il est un élément de notre culture. Question d’honneur en quelque sorte.

Philippe Rochot

Kebab : Question döner. Benjamin Baudis. Orients éditions….

11,90€:

Orientseditions.fr

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