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L’Asie en tête des atteintes à la liberté de la presse… Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 26 avr. 2017
  • 4 min de lecture

Le rapport annuel de Reporters Sans Frontières pointe la région Asie-Pacifique comme celle qui bat tous les records d’atteinte aux libertés fondamentales des journalistes et des médias. C’est devenu un rituel. Chaque année la sortie du “classement mondial de la liberté de la presse” de RSF est attendue avec inquiétude par les dictatures mais aussi les démocraties qui surveillent la place qui leur sera attribuée dans ce triste livre des records.


Chine, place Tiananmen, “journaliste” en uniforme. (Assemblée populaire: oct. 2009) (photo PR)

L’Asie une nouvelle fois occupe les plus mauvais rangs avec la Chine en 176ème position sur 180 pays recensés dans le monde ou le Vietnam (175ème) et bien sûr l’éternel pouvoir nord-coréen qui se retrouve bon dernier… Les régimes autoritaires de ces pays sont sensibles à ces résultats même s’ils les balayent d’un revers de la main, accusant l’Occident de manipulation. Ils mettent en cause notamment la méthode d’analyse. Or elle s’est affinée avec le temps. Il s’agit à la base d’un questionnaire de 130 demandes adressées à des correspondants de RSF, des chercheurs, des universitaires, bref à plusieurs milliers de personnes. Le classement recense par exemple les violences faites aux journalistes s’inquiétant de savoir si elles ont pour origine la répression du pouvoir ou l’action de groupes mafieux ou terroristes. Le rapport compte le nombre de victimes dans chaque pays étudié et signale si des journalistes ont été contraints de s’expatrier ou de cesser leurs activités professionnelles. L’enquête de RSF cherche à savoir si l’accès aux événements est libre pour la presse et si l’Etat lutte contre l’impunité des auteurs de violences et d’exactions.


Présentation du rapport RSF 2017 par Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans frontières.

Le questionnaire demande également aux correspondants si les pays traités comptent des médias privés : télés, radios et si de grands groupes médiatiques ont mis la main dessus etc… Au résultat final cela donne un rapport précis sur l’état de la liberté de la presse dans le monde. Dans le peloton des meilleurs élèves on retrouve ainsi les pays nordiques et en queue les nations d’Asie, « les plus dangereuses pour la profession » dit le rapport 2017 avec un pilier, la Chine mais aussi les régimes communistes comme le Vietnam, la Corée du nord ou le Laos.


La carte de la liberté de la presse 2017… Dans ces pays, l’information reste aux ordres du parti avec des gouvernements « qui confondent l’état de droit et l’état par le droit nous dit Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. En adoptant de nouvelles lois plus répressives les unes que les autres, ces pouvoirs, enclins à la dérive autoritaire espèrent ainsi justifier leurs tentatives de museler la presse et les critiques… Ces gouvernements n’hésitent pas à brandir les principes de “non-ingérence”, de “souveraineté ou de “sécurité nationale”, afin de s’affranchir de leurs engagements internationaux en matière de droits de l’homme et de leur devoir de protection de la liberté de la presse et de l’information ».


Xi Jinping, un président chinois vigilant sur le rôle de la presse et qui pourrait citer la célèbre phrase de Mao Zedong: “les médias sont la gorge et la langue du parti”. (Marché de Xian, 2015: Ph Rochot)

—————- On connaît la « grande muraille numérique » mise en place par la Chine pour filtrer toute information entrant ou sortant du pays et contrôler les réseaux sociaux. La Chine comme les autres régimes autoritaires de la région a renforcé la loi dite de « propagation de fausses nouvelles » qui permet aux autorités de faire passer en jugement tout journaliste ayant lancé une information dérangeante pour le pouvoir politique sous prétexte d’atteinte à la vérité. La Corée du Nord reçoit le bonnet d’âne de la liberté de la presse : bon dernier au classement. Elle a fait l’effort d’inviter des journalistes étrangers ces derniers mois, leur laissant croire qu’ils assisteraient à un essai nucléaire mais pour leur montrer au final l’inauguration d’un nouveau quartier de la capitale.


La plume, le marteau et la faucille, emblème de la Corée du Nord. Mais le rôle de la plume reste des plus réduits… (Photo agence Yonhap)

L’ Agence France Presse a pu de même ouvrir un bureau à Pyongyang la capitale mais dans les locaux de l’agence officielle. L’information reste muselée, le peuple est tenu dans l’ignorance et toute personne surprise à écouter une radio étrangère est passible d’une peine en camp de concentration. L’Asie centrale offre le même spectacle, avec un Turkménistan qui se maintient à la 178e place du classement. Dans cette ancienne république soviétique, la critique à l’adresse du “Père protecteur” de la nation est un délit, voir un crime. Les organes de presse sont de toute manière totalement contrôlés par l’Etat et le gouvernement poursuit sa campagne d’élimination des antennes paraboliques pour éviter que les informations venues de l’étranger ne viennent polluer l’opinion.

L’étau s’est également resserré dans les Républiques comme le Tadjikistan ou le Kazakhstan, copiant le modèle russe de contrôle des médias.


Ecole de journalisme au Tadjikistan. (Ph. Rochot)

La Turquie, pays d’Asie (mineure) qui n’a plus guère de chances de devenir pays européen, a été marquée par la répression du coup d’état manqué contre Erdogan. Elle se retrouve reléguée à la 155e position après avoir perdu encore quatre places en 2016 (en douze ans, le pays a perdu un total de 57 places). C’est l’un des cas les plus préoccupants du classement 2017 de RSF. L’état d’urgence a permis aux autorités de liquider des dizaines de médias, réduisant le pluralisme de l’information à une poignée de journaux à faible tirage. Une centaine de journalistes ont été emprisonnés sans jugement.

L’effort réalisé par les journalistes afghans pour tenter de faire leur métier malgré l’insécurité régnante, la percée des Talibans et des djihadistes de Daech est salué par le rapport de RSF. Mais le pays se retrouve néanmoins à la 170ème place dans le classement. La situation de la liberté de la presse en Asie reste préoccupante, mais à lire le rapport de RSF, elle l’est aussi dans le reste du monde et la carte des libertés devient chaque année «de plus en plus sombre ».

Philippe Rochot

Rapport complet sur le site: https://rsf.org/fr/classement

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