« L’Orient en Grand » : les nouveaux espaces de l’agence photo Roger Viollet.
- Philippe Rochot
- 11 oct. 2021
- 3 min de lecture

La seule évocation du nom de Roger Viollet nous fait plonger dans l’odeur tenace du révélateur et pénétrer dans l’univers du document sépia. L’agence d’images qui a dépassé les 120 ans d’existence, s’invite encore dans nos mémoires avec des photos du début du siècle dernier, froissées, jaunies par les années mais bien réelles. On y retrouve ainsi la vie au temps du Front populaire, l’animation des Halles de Paris, la guerre civile espagnole, les réfugiés etc.
Aujourd’hui l’agence a fait peau neuve et ouvre ses espaces, ses rayons, ses classeurs. Elle expose ses tirages dans ses éternels locaux de la rue de Seine, repeints en vert d’origine et les propose même à la vente.

Avec l’exposition « L’Orient en Grand », les organisateurs attirent notre curiosité : 50 tirages en format panoramique, représentant des scènes de vie au Maroc, en Algérie, en Egypte ou au Sahara. Ces photos, noir et blanc comme il se doit, ont été prises au début du XXème siècle alors que l’Orient est à la mode et la soif de découvertes d’autres contrées bien présente chez les Français.
L’agence s’appelle à cette époque « Léon et Lévy ». Les opérateurs parcourent le désert, les pistes, les cités poussiéreuses avec des appareils photos pesant plus de 30 kilos auquel il faut ajouter un trépied de plus d’1m 50. C’est le cas de la chambre 16x42 qui donne ces images panoramiques où la longueur est trois fois plus importante que la hauteur.

Les photographes saisissent ainsi l’harmonie et la poésie du désert qu’ils traduisent par des images très composées. Ils font par exemple poser trois méharistes sur leurs chameaux dans un paysage de dunes sahariennes. A Marrakech, ils s’installent en haut d’un minaret pour cadrer la foule marocaine en burnous blanc. Ils parviennent à convaincre des femmes algériennes de se couvrir de leur parure pour poser devant l’objectif. Ils éternisent les pyramides d’Egypte vides de touristes à cette époque.
Tous ces clichés plaisent à un public avide de voyages et d’exotisme. Les images de ce genre se retrouvent en général sous forme de cartes postales ou dans des albums photos qui se vendent très bien.

Mais où ont donc dormi ces clichés durant plus d’un siècle ? Dans les années 1970, l'agence Roger Viollet a racheté le fonds Léon et Lévy composé d'archives constituées entre 1864 à 1917. Les négatifs sur plaques de verre sont aujourd’hui conservés à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Ils n’en sortiront plus. Ils ont été scannés en HD et tirés dans ce format panoramique allongé qui fait le charme de ce genre de prise de vue. Ce que nous voyons à la galerie n’est donc pas du tirage en labo mais du tirage de scann.
L’expo « L’Orient en Grand » est l’aboutissement d’un long parcours. Les fondateurs de l’agence Roger Viollet avaient lègué les collections à la Ville de Paris. Après 20 ans de contestation de l’héritage, la Parisienne de Photographie a été créée pour gérer les archives Roger-Viollet et en assurer la reproduction numérique. La numérisation des collections, démarrée à la fin des années 1990 a permis de traiter près d’un million de supports. Et parmi eux, ces négatifs de l’exposition « L’Orient en Grand »
En 2021, quelles images auraient réalisées les opérateurs de la maison Léon et Lévy ? Encore les pyramides d’Egypte avec cette fois touristes et marchands du temple ? Les souks de Marrakech qui ont perdu de leur superbe avec la crise du Covid ? Non, je les imagine plutôt en Ansel Adams modernes guettant les beautés de la nature, les ciels d’orage sur les Alpes, les brumes sur les monts Aubrac, les tempêtes sur les îles anglo-normandes, mais avec la constante qui fait le charme de ces images: le noir et blanc.
Philippe Rochot
L'Orient en Grand, une épopée photographique au format panoramique. Galerie Roger Viollet, du 7 octobre 2021 au 8 janvier 2022.
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