“La vallée des loups” ou le rêve achevé de Jean-Michel Bertrand (film)… Philippe R
- Philippe Rochot
- 14 janv. 2017
- 4 min de lecture
Des jeunes loups qui se roulent dans l’herbe, une louve qui brave le regard du montagnard et puis la meute qui regagne à la hâte sa tanière. Le rêve de Jean-Michel Bertrand était d’approcher les loups dont il venait de découvrir l’existence dans sa région natale du Champsaur : un rêve réalisé mais à quel prix.
Avec son film « la vallée des loups » tourné au cœur des Alpes, il nous fait vivre sa quête incessante de l’animal, comme une obsession.

Jean-Michel Bertrand
Car le loup est bien là. Il est revenu dans nos montagnes depuis deux décennies en provenance des Alpes italiennes.
Il est présent dans une quinzaine de départements français, accueilli soit comme un prédateur par les éleveurs, au même titre que l’ours dans les Pyrénées soit comme une richesse par les amoureux de la nature… A force de persévérance, de passion, de curiosité et de volonté, Jean-Michel Bertrand a pu les observer et même s’intégrer à leur univers. Le témoignage qu’il nous livre a quelque chose de captivant. Il a fallu trois ans à ce montagnard tranquille des Hautes-Alpes âgé de 57 ans pour découvrir leur territoire, leur tanière, leur terrain de jeu, leurs sentiers de déplacement, leurs habitudes, leurs proies. L’auteur dit que l’aigle l’a conduit au loup… C’est en observant le vol des rapaces qu’un jour, telle une apparition, il a vu le loup dans une vallée perdue du massif du Champsaur. Il ne donnera jamais le nom de la vallée. Il veut protéger sa découverte, protéger les loups, garder pour lui la richesse de cette rencontre. La première apparition n’a duré qu’une vingtaine de secondes mais elle sera suffisante pour que Jean-Michel Bertrand décide de partir sur les traces de la meute, avec un doute quand-même. Etait-ce un loup de passage ou avait-il installé sa tanière dans les environs ? Ce doute va durer une année avant qu’il ne retrouve la trace du loup dans cette vallée secrète.

Le face à face avec le loup: image tirée du film “la vallée des loups”.
Ce fin cinéaste va placer plus d’une vingtaine de pièges photographiques pour tenter de reconstituer leur itinéraire. Il va jouer leur jeu, urinant dans différents coins pour marquer lui aussi son territoire. “Je dépose mes pipis tout au long du parcours aux mêmes endroits. De cette façon, j’espère que les loups vont s’habituer à ma présence sur leur territoire. Surtout ne pas les surprendre. Telle est ma devise !” Sa volonté d’aboutir va lui donner une résistance à toute épreuve. Il bivouaque par tous les temps à des altitudes de deux et trois mille mètres, l’œil rivé dans le viseur de sa caméra, affrontant les températures les plus basses, grimpant la montagne avec des charges dignes de porteurs népalais, transportant seul son matériel de tournage. Il redoute les orages et la pluie mais la neige est son alliée car elle révèle les traces de passage du loup. Tout au long du tournage Jean-Michel Bertrand se déplacera en solitaire dans la montagne et la vallée perdue. Pour la réalisation du film, la cinéaste Marie Amigué viendra faire les contre-champs. Le scénario suit sa progression, sa traque, sa quête de l’animal.
Les pièges photographiques révèlent un jour la présence d’une meute. Les sangliers, les cerfs, les proies égorgées, dévorées tout au long du parcours, annoncent le passage du loup tout comme les simples crottes laissée le long du chemin. Mais l’homme refuse de se contenter des images prises par ses appareils positionnés sur les troncs d’arbre. Il veut ses images à lui, approcher, cadrer, voir, sentir la proximité de la bête.

L’aboutissement de sa démarche sera la vire d’une pente rocheuse où il découvre la meute, la famille avec les deux louveteaux qui jouent dans l’herbe haute et la louve qui guette le danger. Dans un geste noble et responsable il va pourtant renoncer à poursuivre la traque de ces canidés. Il ne veut pas que le loup s’habitue à l’homme ce qui pourrait troubler son comportement, le rendre vulnérable. Il veut le laisser libre, fort, dans son univers. La fascination pour cette quête du loup nous fait parfois oublier la beauté du paysage et l’élégance des autres animaux rencontrés au cours de cet itinéraire : bouquetins au combat, chamois et cerfs en fuite, mouflons en parade… animaux souvent plus séduisants que le loup lui-même mais peut-être moins mystérieux, moins énigmatiques.

« La vallée des loups » nous renvoie au film de Jean-Jacques Annaud « le dernier loup » tiré du roman chinois « le totem du loup ». Mais la comparaison s’arrête là puisque ce récit, tourné en Mongolie chinoise raconte une histoire vraie et que les animaux sont dressés, habitués à l’homme et surtout à leur maître. Dans les deux cas pourtant, ces films nous font mieux pénétrer dans l’univers des canidés avec qui nous devons vivre aujourd’hui. Faut-il les préserver, les protéger ou alors limiter leur nombre dans nos montagnes afin d’épargner les troupeaux et rassurer les éleveurs. Le film de Jean-Michel Bertrand opte clairement pour la protection du loup dont le comportement social apparaît si proche de celui de l’homme. “Si l’on a écrit ou inventé autant d’histoires et de légendes à propos de cet animal depuis la nuit des temps et dans toutes les sociétés humaines, c’est en partie à cause de son mode de vie réel qui en fait un concurrent de l’homme et dont la structure sociale n’est pas si éloignée.”
Philippe Rochot
Région de tournage du film: Ecrins Champsaur: http://philippe-rochot.piwigo.com/index?/category/7-montagnes_et_chamois • Si tu bois l’eau de la vallée, respecte aussi ses lois. (proverbe tibétain)
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