Olivier Dubois, otage depuis cinq mois et la nouvelle donne au Mali. Ph Rochot.
- Philippe Rochot
- 15 sept. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 sept. 2021
Si la discrétion est la clé pour une libération d’otage, alors Olivier Dubois a toutes les chances de retrouver rapidement sa famille, ses collègues et ses amis. Hélas, il n’en est rien. Plus de cinq mois après l’enlèvement à Gao de ce journaliste indépendant basé au Mali, peu d’échos de sa détention nous parviennent. Seule une vidéo de quelques secondes, tournée par ses ravisseurs et diffusée en mai dernier, nous montre qu’il est en vie. Olivier Dubois déclare être l'otage des jihadistes du Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans (GSIM), un mouvement en pleine expansion au Sahel, mais qui ne formule pas de revendication précise.

Portrait d'Olivier Dubois sur la mairie du 10ème arrondissement à Paris.
Le silence qui dure est source d’inquiétude : peu d’informations dans les médias, pas de déclaration du Quai d’’Orsay sur les négociations possibles. Des manifestations occasionnelles sont organisées par Reporters Sans Frontières, mais seule une poignée de journalistes y participent et soutiennent la famille, les amis. Le public est rare, comme s’il n’était pas concerné ou peu motivé.
L’indifférence apparente de l’opinion face à la détention d’un homme qui a tenté de nous éclairer sur la situation au Mali a quelque chose de révoltant. A l’heure où les journalistes sont régulièrement traînés dans la boue lors des manifestions anti-vax ou anti-pass et déconsidérés sur les réseaux sociaux, le sort d’un reporter indépendant, prisonnier des Jihadistes quelque part au Sahel entre Gao et Kidal ne pèse pas lourd.

Manifestation à Paris pour la libération d'Olivier Dubois
La détention d’Olivier Dubois est pourtant devenue un test. Y a-t-il encore quelque chose à négocier avec les groupes terroristes et en particulier celui-ci ? Jusqu’où la France peut-elle aller pour obtenir la libération d’un citoyen retenu quelque part au Sahel sur un territoire aussi vaste que l’Europe ?
Les chances de libération d’Olivier Dubois sont étroitement liées à l’évolution des relations entre Paris et Bamako. Or ces derniers mois elles ont connu de profonds changements qui ont disqualifié la France de son rôle affiché de défenseure du pouvoir central.

Le président français a annoncé la fin de l’opération Barkhane autrement dit le retrait d’une grande partie des quelque 5000 hommes encore présents sur le sol Malien. Pareille décision est susceptible de plaire aux jihadistes, les plaçant comme vainqueurs d’une armée occidentale, au même titre que les Talibans en Afghanistan. Le principal acteur de l’insurrection, le Touareg Iyad Ag Ghali a même déclaré :
” Nous sommes en train de l’emporter. Les Français partent. Notre persévérance a payé”. D'un autre côté l'élimination du chef de l'organisation État islamique au Grand Sahara, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, le 15 septembre dernier, par une attaque française de drône, montre que la traque des jihadistes continue.
En 2013, sous François Hollande, la France était intervenue pour empêcher la chute d’un gouvernement putshiste menacé par l’avancée des jihadistes vers Bamako. Aujourd’hui elle prend ses distances avec un gouvernement dominé également par des militaires qui n’est guère pressé de rendre le pouvoir aux civils.
L’attitude de ce nouveau pouvoir malien en uniforme, tenu par le colonel Assimi Goïta qui s’est imposé par un coup d’état, est intéressante car il est ouvert au dialogue avec les jihadistes. Des contacts auraient déjà eu lieu. Or nul doute que le colonel Goïta a entre les mains le cas d’Olivier Dubois et qu’il a pu l’évoquer avec ses interlocuteurs.
Autre élément, la pression des Russes et l’entrée en scène de la société militaire privée Wagner, déjà très active en Centrafrique et en Libye. On parle du déploiement d’un millier d’hommes sur le terrain, soit autant que le nombre de soldats français qui resteront après le départ officiel de Barkhane. Or Paris rejette l'emploi de milices privées étrangères et en particulier celle là. Raison de plus pour prendre ses distances avec le pouvoir militaire à Bamako.

Ces changements et renversements d’alliance peuvent profiter à la libération d’Olivier Dubois. L’otage français y songe-t-il ? Quels éléments a-t-il entre les mains pour faire l’analyse de sa propre situation ? Nul doute que sous sa tente en plein désert ou dans quelque sombre caverne de l’Adrar des Ifoghas il évalue les rapports de forces qui le conduiront sur les chemins de la liberté.
Philippe Rochot
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