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Sophie Pétronin : otage du désert depuis deux ans.… Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 24 déc. 2018
  • 4 min de lecture

Noël 2018 marque les deux ans de détention de Sophie Pétronin dans l’immensité du Sahel. Elle marque aussi l’ouverture d’une page les plus sombres de cette tragédie car on la sait malade et sans espoir de libération immédiate, entre les mains de groupes proches d’El Qaïda et totalement imprévisibles dont on ignore toujours les revendications qui ont changé avec le temps. Le Président de la République est-il l’élément qui bloque tout processus de libération sous le prétexte officiel qu’on ne négocie pas avec les terroristes ? Le fils Pétronin en est persuadé quand il déclare : « Il y a une recommandation du chef de l’État qui dit qu’on ne négocie pas avec ces gens-là, mais comment faire la paix si on ne discute pas avec les gens qui sont en face ? »


Sébastien Pétronin lors d’une itv à France3 en décembre. (capture écran)

L’homme salue pourtant le travail des ambassades de France aux pays du Sahel, des gens du Quai d’Orsay et de Jean-Yves le Drian, ministre des Affaires étrangères. Mais pour lui, c’est Macron qui bloque. Or il est le chef des armées et il se rabat derrière le secret défense, la discrétion, la prudence, la méfiance, la crainte aussi de se voir accusé par l’opinion d’avoir cédé aux exigences des terroristes. N’oublions pas que lors du quinquennat de François Hollande, la France a annoncé aux familles des 4 otages d’Arlit qu’elle ne verserait plus de rançons pour obtenir des libérations. Nos alliés, Allemands et Américains nous ont à l’œil sur les versements de rançon, estimant que la France a trop donné aux djihadistes du Sahel pour libérer les siens.


Soldats de l’opération Barkhane au Mali, avec les militaires maliens. (image ECPAD.)

Le Président de la République affirme que la détention de cette humanitaire en charge d’une ONG franco-suisse qui s’occupait des enfants malnutris du Mali, est « une préoccupation quotidienne… La France agit sans relâche dit-il… Aucune piste n’est abandonnée ». Pourquoi dans ces conditions n’a-t-il jamais accepté de recevoir la famille de Sophie Pétronin et notamment son fils Sébastien ? Pareille rencontre n’est sans doute pas la clé pour une libération mais elle aurait eu le mérite de montrer l’intérêt et le souci de la Nation face au sort tragique de cette femme.


Les conditions de détention de Sophie Pétronin: la tente le désert, la chaleur, le froid et la maladie.

Sébastien Chadaud-Pétronin avait apparemment trouvé un fil rouge pour remonter aux ravisseurs et obtenir la libération de sa mère comme premier élément d’un accord. Mais les propositions des ravisseurs et intermédiaires ont été balayées par le pouvoir politique qui les a jugées farfelues. Quelles étaient donc ces propositions avons-nous demandé à plusieurs reprises à Sébastien Pétronin ? Mais l’homme ne veut pas les donner, sans doute pour ne pas trahir la stratégie des ravisseurs et porter un coup fatal à cette filière de négociation.


Le soutien d’Ingrid Betancourt, à la famille de Sophie Pétronin, lors d’une conférence de presse le 13 décembre 2018.

Le groupe terroriste qui détient Sophie Pétronin et qui se trouve apparemment sous l’influence de plusieurs forces djihadistes contrôlant les zones sahéliennes continue de faire preuve du cynisme le plus révoltant dans ses obscurs communiqués en disant : « Le commandement annonce aux familles des otages que les moudjahidines (combattants) n’ont rien à voir dans le retard de leur dossier »… Ou encore : « la Jama’a (l’assemblée) n’est pas responsable de toute calamité qui frappe Sophie car elle a fait tous les efforts possibles pour la réconforter, la soulager et préserver sa santé. Elle a également fait tout son possible pour clore l’affaire, mais l’obstination du gouvernement français l’en a empêché. » Or c’est oublier que ces pseudo-combattants sont les premiers responsables de la détention de Sophie Pétronin, gardée depuis deux ans sous une tente et sur un lit de camp, malade, et recevant des soins extrêmement sommaires. Ils sont les premiers témoins de son agonie et de ses souffrances. Difficile d’imaginer pareil destin alors que les enfants de ces djihadistes ont peut-être été soignés et sauvés grâce à elle de la malnutrition. Ils doivent donc lui rendre la liberté sans condition après cette épreuve qui aura duré deux années.


Enfants du Mali (Ph Rochot)

Au lieu de cela, l’organisation terroriste qui se fait appeler pieusement « Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans » se replie sur elle-même et annonce qu’elle n’apportera plus de preuves de vie des otages. Raisons de sécurité sans doute. On sait que l’un de ses chefs, le Touareg Iyad Ag Ghali fait partie des hommes dont la tête est mise à prix par l’armée française. Sophie Pétronin n’est pas seule entre les mains de ces combattants-trafiquants du désert et nous avons tendance à l’oublier. Une demi-douzaine d’otages étrangers connaissent le même sort et leurs gouvernements ne réussissent pas mieux à les faire libérer. Il faut citer le Roumain Ilyan Chergut, kidnappé en 2015, le chirurgien australien Arthur Keneth Eliott âgé de 82 ans et capturé au Burkina Faso, Béatrice Stockly, missionnaire suisse kidnappée en 2012, libérée, puis de nouveau capturée en 2016. La religieuse colombienne Cécilia Narvaez, enlevée en février dernier au Mali, apparaît souvent au chevet de Sophie Pétronin sur les vidéos. Le Sud-Africain Stephen McGown a été enlevé par Al-Qaïda dans le nord du Mali en novembre 2011. Enfin aucune trace de l’Américain Jeff Woodkey, capturé au Niger. Il a probablement « disparu des écrans radars » selon l’expression consacrée pour dire qu’il a été éliminé.


De la difficulté d’informer sur le sort des otages au Mali: dessin de “Cartooning for peace” réalisé après l’assassinat des deux journalistes de Radio France International dans la région de Kidal.

Depuis 2010 : une vingtaine d’otages français ont été capturés au Sahel, dont cinq ont été tués, auxquels il faut rajouter les deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, en reportage à Kidal et assassinés le jour même de leur capture… Un calcul froid permet de voir que les deux tiers des otages français du Sahel ont survécu et il faut espérer que Sophie Pétronin fera partie de ceux-là.

Philippe Rochot

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