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Steve McCurry à Turin: au-delà des manipulations d’images…Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 4 août 2016
  • 2 min de lecture

Il aura suffi que le célèbre photographe américain Steve McCurry laisse « traîner un morceau de jambe » et un reste de poteau de signalisation sur une photo de rue à Cuba pour que le monde de la photo découvre les manipulations opérées par l’un des plus grands photoreporters de l’agence Magnum et du National Geographic.

Turin expo Steve McCurry Venaria reale août 2016 (3) (Copier)

L’expo de Steve Mc Curry à la Venaria reale (Turin) (Ph Rochot)

Le « Photoshopage » était grossier, offensant, évident et pourtant il a fallu attendre que les 250 images de la grande expo consacrée à Steve McCurry au palais « Venaria reale » près de Turin soient accrochées pour qu’on s’aperçoive de la supercherie. Les organisateurs et le commissaire de l’expo n’y avaient vu que du feu…

Pour les spécialistes, c’est un secret de polichinelle. McCurry corrige et trafique régulièrement ses images. Il a largement montré ses méthodes au cours de ces dernières années : personnages effacés, disparus, gommés, couleurs saturées à l’excès. L’homme n’aime pas que les autres percent ses secrets mais ne renie pas ses méthodes. Il s’en est expliqué sur le blog photos du quotidien « La Repubblica ». « Aujourd’hui, je définirais mon travail comme une narration visuelle…La plupart de mes travaux récents ont été réalisés pour mon propre plaisir dans des lieux que j’avais envie de visiter pour satisfaire ma curiosité sur les gens et la culture. Mon travail à Cuba, par exemple, a été fait au cours de quatre voyages personnels. ».

Turin expo Steve McCurry Venaria reale août 2016 (14) (Copier)

Steve McCurry tient donc à distinguer d’un côté son travail de photoreporter pour lequel il ne pratiquerait aucune retouche et de l’autre sa démarche personnelle où il s’autorise un traitement d’image. Il se définit à présent comme un « storyteller », un raconteur d’histoires, non plus un photojournaliste…Et il ajoute : « je ne fais plus un travail de news, je ne cherche pas à donner des informations sur un lieu, je ne prétends pas vous faire comprendre comment est Cuba aujourd’hui, comment vivent les gens dans cette société, je n’ai pas ces contraintes. » Et l’homme de botter en touche en disant que la manip sur la photo de Cuba a été faite sans son accord.


McCurry est devenu un conteur, un artiste, un créateur, un metteur en images de la vie. Quand il photographie l’effondrement des tours jumelles à New York le 11 septembre 2001 il va sublimer la scène, en forcer encore les aspects dramatiques, donner une puissance supplémentaire à son image. C’est son choix, sa liberté de création, l’événement brut n’étant pour lui qu’une base de travail et d’inspiration.


A l’expo de Turin, sous les voûtes immenses de l’Orangerie de l’ancien palais royal de Venaria à dix km de la cité, l’affaire paraît oubliée, les manipulations existantes écartées. Les visiteurs ne se posent apparemment pas la question. Steve McCury continue de séduire. Il n’a pas oublié de reprendre l’image qui a fait sa réputation : celle de Sharbat Gula, la jeune afghane aux yeux verts fascinants. Le poids des années n’a pas atténué la puissance de son regard, mais les difficultés de la vie dans les camps de réfugiés, ses nombreuses maternités, l’exode, ont fait vieillir la femme prématurément. Du premier portrait réalisé en 1984, au visage retrouvé en 2002, seuls les yeux nous permettent de reconnaître Sharbat Gula. C’est bien elle mais il est choquant d’apprendre que pour s’en assurer, Steve McCurry et la rédaction du National Geographic ont fait appel à des experts du FBI.

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Ces spécialistes ont ainsi examiné  au microscope le portrait de l’Afghane comme celui d’une vulgaire criminelle afin d’apporter la preuve incontestable que la prestigieuse revue et le célèbre photographe avaient retrouvé sa trace 17 ans après… Le photographe s’en tire en disant qu’elle représente le destin de tous les réfugiés du monde et qu’il fallait suivre sa trace à travers le temps.


L’expo nous rappelle aussi que Steve McCurry a couvert l’Afghanistan avant et pendant l’occupation soviétique. Il rétablit dans nos mémoires ses superbes visages de moudjahidines en position dans les montagnes et même le portrait de feu le commandant Massoud, en état de saturation avancé des couleurs mais bien réel quand-même… Le public de Turin conserve son entière admiration pour le travail de Steve McCurry, s’attachant surtout au message qu’il transporte, à sa passion sans limite pour les autres cultures, les terres en conflit, les rebelles, les petites gens, les enfants des rues. Et là les manipulations semblent sans importance tant l’image transmise est surprenante et fascinante ; les personnages rencontrés font tout oublier.. Philippe Rochot Le Monde de Steve McCurry : Venaria reale, 10 km de Turin, jusqu’au 25 septembre 2016. Semaine : de 10h à 15h. WE : 10h à 18h. Fermé le lundi. Entrée plein tarif : 14 euros.

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