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Trésors du Tibet d’Alexandra David-Neel (musée Guimet)… Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 19 févr. 2017
  • 4 min de lecture

Alexandra David-Neel: Calcutta Après son retour du Tibet. 1923 (c) Maison Alexandra DN.

——- Elle rapporta de ses voyages des malles entières de souvenirs, d’écrits, d’objets de culte, mobilisant les chancelleries étrangères des pays traversés pour acheminer tout cela vers la France. Ces trésors se retrouvent aujourd’hui dans sa maison de Digne-Les-Bains dans les Alpes du sud mais aussi au musée Guimet à Paris, exposés jusqu’au printemps : manuscrits en tibétain, peintures et masques de danse, photos, lettres privées, tangkas richement décorés etc… Elle fit don au musée de 450 écrits et manuscrits d’une grande valeur.

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Masque de danse Cham (Musée Guimet)

Alexandra David-Neel était attachée à ce « temple des arts asiatiques » où se côtoient les bas-reliefs des édifices cambodgiens, les masques japonais, les bouddhas indiens ou les moulins à prière tibétains en une sorte de musée imaginaire tel qu’André Malraux l’avait rêvé. Là est née sa vocation pour les peuples du toit du monde. Elle appréciait surtout la bibliothèque avec «son étonnante atmosphère créée par les multiples effigies des Dieux et des Sages de l’Orient, ces « vibrations » abondantes qui émanaient non seulement des statues impassibles en apparence mais aussi des centaines d’objets ayant servi à la célébration de cultes divers.»

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Alexandra David-Neel et le lama Yongden qui deviendra son fils adoptif. (c) Maison ADN

Une aventurière qui renouvelle son passeport à l’âge de cent ans a droit au respect. C’est le cas d’Alexandra David-Neel. Elle souffrait de rhumatismes aigus qui l’obligeaient à « marcher avec ses bras » comme elle aimait le dire mais elle éprouvait encore, après un siècle de vie, le besoin de préparer en permanence des itinéraires vers l’orient. Un siècle bien rempli où elle fut successivement chanteuse d’opéra, anarchiste, féministe, orientaliste, tibétologue, exploratrice, journaliste, écrivaine et trempa même dans la franc-maçonnerie. Mais le monde a surtout retenu son expérience exceptionnelle au Tibet.


Musée Guimet: site de l’expo Alexandra David-Neel. (Ph Rochot) Alexandra David-Neel fut la première femme occidentale à se rendre dans la ville sainte de Lhassa en 1924, déguisée en mendiante accompagnée de son fils adoptif, le jeune lama Yongden. Elle mettra quatre mois pour atteindre clandestinement la ville sainte: une marche de 2000 km, échappant aux pillards et aux mouchards qui avaient repéré la femme blanche. Elle s’est grimé le visage avec de la cendre, elle a enfilé des vêtements de mendiants, elle s’est fabriqué des nattes en poil de yak et enfoncé jusqu’aux yeux sa toque de fourrure traditionnelle. Elle n’ose pas prendre d’appareil photo pour ne pas être repérée en tant qu’étrangère mais sous ses jupes elle cache un pistolet.

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Tibétaines en pélerinage à Lhassa. Alexandra David-Neel s’était habillée comme ces femmes pour pénétrer clandestinement dans la ville sainte. (c) Ph Rochot.)

Avec le lama Yongden qui deviendra son fils adoptif ils se fondent dans la foule des pèlerins (ardjopas) qui progressent en se prosternant tous les trois pas et atteignent Lhassa au printemps 1924 pour la fête religieuse du Mönlam. Ils resteront deux mois dans la ville sainte mais Alexandra sera finalement repérée et tous deux seront contraints de prendre la fuite. Son livre intitulé « Une parisienne à Lhassa » fit sensation à l’époque. Elle avait tant souhaité s’intégrer à la vie des Tibétains, apprendre leur langue, vivre leurs croyances et leurs pratiques, qu’on peut la placer aujourd’hui aux côtés des sages bouddhistes dont elle avait suivi l’enseignement.


Lhassa: Tibet. Pèlerinage au pied du Potala. 2004. (Ph Rochot) Comment expliquer pareil itinéraire ? Fillette tourmentée, torturée par les esprits dès l’enfance, Alexandra David-Neel s’infligeait à l’adolescence des tortures, se soumettait aux jeûnes, s’appliquait des recettes puisées dans des biographies de saints ascètes trouvées dans d’obscures bibliothèques. A 21 ans elle se convertissait au bouddhisme. Dans ses voyages en Inde et au Tibet elle s’imposa de rudes épreuves physiques, vivant ainsi plusieurs mois en altitude dans la caverne d’un anachorète sans voir personne, apprenant la méditation mais aussi la technique du Toumo qui permet de mobiliser son énergie afin de produire de la chaleur et résister au froid. Ses méditations et ses recueillements sans fin lui firent sans doute perdre la notion du temps.


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Sablier-tambour rapporté par Alexandra David-Neel (musée Guimet)

Malheureuse en couple, elle avait ainsi annoncé à son mari qu’elle partait pour un voyage de dix-huit mois en extrême orient mais elle ne revint qu’après quatorze années passées en Inde, en Chine et au Tibet. Philippe Néel, ingénieur des chemins de fer lui envoyait régulièrement de l’argent et entretint avec elle une correspondance passionnée qu’elle garda dans ses malles poussiéreuses jusqu’à la fin de ses jours. Il eut le mérite de la soutenir dans ses recherches et le lien ne fut jamais rompu malgré les orages qui assombrirent la vie du couple.


Alexandra David-Neel avec le sultan du Sikkim au col de Tashung: 5100m (c) Maison ADN.

L’héritage culturel laissé par Alexandra David-Neel se découvrait jusque-là dans sa maison de Digne-les-Bains dans les Alpes du sud où elle passa les dix dernières années de sa vie. Grace à sa « secrétaire-auxiliaire de vie » qui vécut avec elle jusqu’à son dernier souffle, le souvenir demeure. Marie-Madeleine Peyronnet chez qui rien ne disposait à s’intéresser au bouddhisme tibétain fut emportée par la passion de sa patronne et c’est elle après sa mort qui créa ce petit musée de Digne qui a gardé le nom donné par la maitresse des lieux : « Samten Dzong », la forteresse de la méditation. Endroit attachant mais austère sombre et étroit où le visiteur se heurte aux multiples objets rapportés par l’exploratrice : bottes tibétaines, meubles et coffres, masques, tangkas, bonnets, images, lettres et souvenirs de toute sorte. Marie-Madeleine Peyronnet a dirigé ce musée jusqu’à sa retraite en 1995, servant aussi de guide et de gestionnaire mais trop seule pour empêcher les vols discrets de touristes indélicats. « Les gens ne reconnaissent pas qu’ils volent quand ils se font prendre nous confiait-elle avec découragement ; ils disent qu’ils emportent juste un souvenir ».

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La BD d’Alexandra David-Neel. Cette femme aujourd’hui âgée de 85 ans est devenue le fil conducteur de la bande dessinée : « Une vie avec Alexandra David-Neel » de Fred Campoy et Mathieu Blanchot, qui donne un nouveau souffle à la vie de notre aventurière mais aussi à celle de son assistante-secrétaire, idée que Mme Peyronnet trouva géniale tant elle avait donné de sa personne pour aider cette exploratrice à achever son œuvre mais aussi à la conserver. Des planches de la BD qui s’inspire du livre de son livre « Dix ans avec Alexandra David-Neel » sont exposées à cette rétrospective du musée Guimet. Un partenariat avec la maison de Digne-Les-Bains où l’aventurière-ethnologue résida jusqu’à sa mort entourée de ses souvenirs, permet donc aujourd’hui au public parisien de découvrir cette femme d’exception, ses voyages fabuleux au pays des neiges, ses souvenirs, mais aussi le message qu’elle nous laisse. Philippe Rochot

Crédits Photos d’archives: RMN-Grand Palais (musée Guimet, Paris) © Michel Urtado Photo d’ouverture : Maison Alexandra David-Neel © Ville de Digne-les-Bains


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Lhassa: circuit du pèlerinage: 2000. (photo Ph Rochot.)

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