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Visa pour l’image : femmes photoreporters, les choix du festival…Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 5 sept. 2017
  • 4 min de lecture

Ayacucho: sur les traces du sentier lumineux. Prix Visa d’or humanitaire 2017 pour Angela Ponce Romero…     

Perpignan: 5 sept 2017. Avec son chapeau de brousse, son gilet pare-balles et son sourire éclatant, le portrait de Véronique Robert plaqué sur un mur du Couvent des Minimes nous interpelle. Fauchée par un engin piégé en plein reportage sur le front de Mossoul, elle nous prouve s’il le fallait encore que les femmes ont autant leur place que les hommes dans le reportage de guerre.

Pour ce Visa 2017, 9 expos sur 25 sont réalisées par des femmes reporters, un tiers seulement des reportages présentés. Mais n’en tirons aucune conclusion. On ne peut demander à Visa de fonctionner au quota. ” Quand on reçoit des propositions, on regarde les photos dit Jean-François Leroy. Il y a les bons photographes et les mauvais photographes. C’est en fonction du sujet qu’on détermine, pas en fonction du genre ou de la nationalité. C’est vrai que c’est une année très riche en regards féminins et on s’en réjouit.”


Zohra Bensemra: civils fuyant Mossoul: 2017.

Zohra Bensemra est la seule photographe à présenter des images de la bataille de Mossoul qui auraient pu facilement trouver leur place aux côtés de celles de Laurent Van der Stockt. Zohra est considérée comme la première femme photoreporter de la république algérienne. Sa passion de l’image est née le jour d’un attentat à la voiture piégée au centre d’Alger durant les années noires de 1990. Elle a voulu témoigner. Elle a pu entrer au journal Al Watan, puis à l’agence Reuters, couvrant les conflits du monde, Irak, Afghanistan, Libye, aux côtés des grands noms de l’image. Elle fait partie des femmes reporters qui ont vécu le siège de Mossoul avec sans doute un regard différent de celui des hommes.

Visa Merdith Kohut Venezuela 2017 (3) B

La violence ne rebute pas les femmes photoreporters. On le voit encore avec le travail très osé de Meredith Kohut sur le Venezuela pour le New York Times : « le Venezuela au bord du gouffre ». La journaliste, basée à Caracas a suivi au quotidien la vie des habitants plongés dans une violence permanente.


Familles afghanes réfugiées au Etats-Unis. Expo Renée Byer. Visa, Couvent des Minimes.

Dans l’ensemble, les reportages des femmes photographes se distinguent par des angles plus recherchés, plus fins, profondément humains. Je pense au sujet de Renée Byer sur ces « Harkis afghans », ces quelque 2000 hommes qui ont collaboré avec l’armée américaine comme interprètes, guides, médecins, ingénieurs, informateurs et se retrouvent vulnérables après le retrait des forces de la coalition. Ils ont reçu des menaces de mort des Talibans pour avoir travaillé avec l’ennemi. La seule issue était pour eux de quitter leur pays. Ils se retrouvent ainsi pour la plupart dans le comté de Sacramento en Californie, dans des appartements vétustes avec un minimum vital, confrontés à la pauvreté et à la criminalité avec des diplômes inutiles, pas même reconnus aux Etats-Unis.

Visa image Famille afghane Renée Byer

Images simples et sensibles de Renée Byer qui s’est attachée à ces familles souvent frappées par le malheur. Faissal par exemple avait trouvé un emploi de gardien de nuit. Il a reçu une charge de pistolet d’alarme en plein visage et perdu un œil. Les épouses gardent des enfants tout en suivant des cours d’anglais mais l’avenir est sombre. Dans le même esprit Sarah Caron nous surprend avec son « Inch Allah Cuba ». A l’heure où les photos de Cuba restent encore centrées sur les vieilles berlines américaines et les portraits de Fidel Castro, Sarah traite un sujet surprenant, celui des musulmans de Cuba, ces jeunes qui se sont convertis à l’islam.

Sarah Caron Visa islam Cuba copie

C’est le résultat d’une habile campagne lancée par l’Arabie saoudite qui agit au nom d’une douteuse ligue islamique cubaine et finance la construction d’une mosquée à proximité de la très célèbre cathédrale de la Havane. On croise ainsi des jeunes Cubains en djellaba blanche portant le calot ou le keffieh qui pourraient laisser croire que nous sommes dans un quelconque émirat du Golfe arabe. Mais non, nous sommes à Cuba !

Darcy Padilla agence Vu Visa 2017 (1)b

Darcy Padilla nous étonne avec son reportage sur la terre la plus pauvre des Etats-Unis : la réserve indienne de Palm ridge, rongée par l’alcoolisme. Le chomage frappe 85% de la population et l’espérance de vie est la plus faible des US : 47 ans pour les hommes. Ses images lui ont valu le prix Canon de la femme journaliste.

Amy Toensing s’est intéressée au sort des veuves à travers des exemples observés dans plusieurs pays. Le rejet des femmes dont le mari a trouvé la mort n’est pas un phénomène marginal. En Inde, perdre son mari est synonyme de mort sociale, de condamnation à vivre en marge de la société. La femme devient paria, ne trouvant ni travail, ni accueil, sauf dans des foyers spécialisés.

Visa veuves Amy Toensing

Amy Toensing photographie bien au-delà de la simple vie du célèbre ashram de Vrindavan en Inde qui recueille les veuves. Son enquête touche le Népal, l’Ouganda mais aussi la Bosnie dans notre vieille Europe, chez les veuves des victimes du massacre de Srebreniça souvent rejetées par leur entourage. Les choix de Visa pour l’image restent donc symboliques du travail des femmes photoreporters qui sont à présent représentées à la tête d’un nouveau prix de reportage, le prix Camille Lepage. Fondé en 2014, il porte le nom de cette jeune photographe de 24 ans tombée dans une embuscade en Centrafrique en pleine guerre civile et qui fait elle aussi honneur à la profession.

Philippe Rochot

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