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Worldpress photo 2020: au delà du virus… Ph Rochot.

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 17 avr. 2020
  • 2 min de lecture

On chercherait en vain un reportage sur le Covid-19 parmi les sujets des lauréats du Worldpress photo. Et c’est tant mieux. Le virus ravageur nous a fait oublier les conflits du Soudan, les manifestations de Hong Kong ou d’Algérie, les feux de forêts d’Australie ou du Brésil. Le Worldpress 2020 est là pour nous rappeler que des gens d’image ont fait un travail de fond sur ces événements qui ont marqué 2019, avant que cette pandémie, arrivée sur le tard, ne mette un coup de frein aux missions de reportage sur notre planète. Le prestigieux prix multiplie sans doute un peu trop les différentes catégories : concours image, photo de l’année, histoire de l’année, reportage, environnement, prix des enjeux contemporains, sport, portraits etc. Mais les récompenses sont méritées.


Le premier prix est attribué à un reporter de l’AFP Yasuvoshi Chiba pour une image réalisée au Soudan en juin 2019 lors d’une manifestation où un jeune homme en gros plan récite un poème plaidant pour la liberté et le retour à un régime civil. La photo est prise de nuit, à la lumière de quelques téléphones portables ce qui accentue le caractère dramatique de la situation. Le photographe a préféré s’attacher à cette scène peu commune plutôt qu’à une scène de violence classique et il faut saluer cette démarche. Les manifestations de Gilets jaunes nous avaient fait oublier que dans le monde d’autres populations connaissent aussi la révolte et notamment l’Algérie. Chaque semaine (du moins jusqu’à l’arrivée de l’épidémie du Covid-19) des dizaines de milliers d’Algériens descendent dans la rue pour demander des réformes, la fin de la corruption, la traduction en justice des anciens dirigeants, l’arrivée d’une nouvelle équipe crédible au pouvoir et un meilleur avenir pour les jeunes. Dans ce pays, les moins de vingt ans représentent la moitié de la population.

C’est à eux que Romain Laurendeau s’est attaché. Pour ce travail il est nominé dans la catégorie « histoire de l’année. » Comme une bonne partie de ses confrères algériens il a opté pour le noir et blanc ce qui nous aide à mieux pénétrer dans cet avenir un peu sombre pour la jeunesse algérienne.

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Ses photos sont réalisées à Bab El Oued ou avec les fans de football, devenus les meneurs du mouvement dans cette société. En allant défier l’autorité dans la rue, ils ont entraîné et inspiré le reste de la population.


Il faut saluer le travail de Romain Laurendeau à double titre. Il n’est pas évident pour un photographe français de couvrir des événements en Algérie : pas de visas, pas d’accréditations, méfiance de la foule, pistage de la police etc. On apprend de même que Romain Laurendeau a failli perdre la vue à la suite d’une maladie et qu’il n’a pu être sauvé que par une greffe de la cornée. Son reportage primé n’en a donc que plus de mérite.


Du côté des photographes algériens, il faut saluer l’approche et le regard de Farouk Batiche également lauréat du concours Worldpress qui nous offre des images fortes de la révolte en Algérie où les jeunes affrontent la police anti-émeute… Ancien reporter de l’AFP, il représente à présent l’agence Deutshe Presse Argentur (DPA) à Alger. Les manifestations de Hong-Kong pour la défense des libertés, en opposition à la Chine de Pékin qui veut imposer son système de gouvernance étaient quelque peu tombées dans l’oubli. En accordant un prix à Nicolas Asfouri, photographe danois basé à Pékin, le Worldpress récompense un moment fort de l’actualité traité avec rigueur et toujours « payant » à l’image avec ses canons à eau, ses masques, ses barricades, ses forces de l’ordre habillées en véritables ninjas…

Hong Kong manif Nicolas Asfouri

Primer un photographe qui vit en Chine continentale pour un reportage qui dénonce l’emprise du pouvoir communiste sur Hong Kong honore également le Worldpress.

Je retiendrai de même le reportage du photographe éthiopien Mulujeta Ayeme qui l’emporte dans deux catégories pour sa couverture de la catastrophe du vol 302 d’Ethiopian airlines près d’Addis Abeba en mars 2019.

Mulugeta Ayene Ethiopie wp
Vol Ethiopian airlines Mulugeta Ayene

Scènes de douleur et de désespoir saisies avec force mais pudeur, visages défaits sur ce terrain vague où s’est échoué le Boeing 737 MAX dont les pilotes n’ont pas réussi à maitriser les commandes. Dans la catégorie « Histoire » on pourra mesurer le travail et la persévérance de Lorenzo Tugnoli qui a suivi les combattants talibans d’Afghanistan dans leur progression dans l’est du pays et nous présente une série de portraits et de situations fortes.

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Il a su gagner la confiance de ces hommes tout comme celle des populations. Sa série intitulée « La guerre la plus longue » méritait récompense. Pour le fun on pourra s’étonner et s’amuser avec la série sur les tigres de Steve Winter : images saisies au sanctuaire des animaux sauvages à Keenesburg dans le Colorado et où l’on voit les volontaires prendre soin des bêtes comme s’il s’agissait d’animaux domestiques : frisson garanti.

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Le Worldpress photo 2020 est donc plutôt un bon cru avec des images fortes, originales, bien ciblées, fraîches également, souvent sorties des thèmes traditionnels et encore à l’abri du covid-19 que l’on retrouvera sans doute en première ligne lors de l’édition 2021.

Philippe Rochot

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