#Hautes-Alpes: le loup et ses nouveaux territoires… Philippe Rochot
- Philippe Rochot
- 19 juil. 2018
- 4 min de lecture
« Y a des loups par ici ? » De retour d’une rando en Vallouise dans les Hautes-Alpes, je croise une famille avec deux gamins d’une dizaine d’années et l’un d’eux me pose cette question à laquelle je ne sais trop comment répondre. Je botte en touche par cette réplique : « S’il y en a, ce sont eux qui auront peur de toi ! »

Loup dit ibérique (en captivité). Ph Rochot.
La nouvelle est pourtant confirmée aujourd’hui par l’Office de la Chasse et de la Faune sauvage. Le loup s’est implanté dans la région de la Vallouise à l’entrée du Parc National des Ecrins, ainsi qu’en Guisane et en vallée de l’Oule. Les spécialistes appellent cela une ZPP, Zône de Présence Permanente. En clair cela veut dire que le loup est présent en ces lieux, avec ou sans meute, depuis deux hivers successifs. Son espace, bien défini couvre quelque 200km2. On le savait déjà dans la région du Champsaur grâce au film de Jean-Michel Bertrand « La vallée des loups » mais la bête étend aujourd’hui son territoire. Difficile de recenser les loups dans un seul département comme les Hautes-Alpes. En revanche, au niveau national, on estime officiellement que 430 individus sont établis en France, un chiffre encore faible, en dessous du plan de viabilité établi à 500 têtes par le ministère de l’écologie. On est donc encore loin des effectifs comptabilisés dans un pays comme la Roumanie où l’on a recensé plus de 2000 bêtes. La population de canidés en France a quand-même fait un bond en avant de 20% dans la seule année 2017 . On compte aujourd’hui 74 zones de peuplement permanent dont 57 occupées par des meutes. Aux dires des gardes du Parc des Ecrins les autorités ne maitrisent pas vraiment la situation et laissent venir…

Loup du Mercantour (Ph Rochot)
Le loup était déjà présent dans les années 1930 avant d’être éradiqué, mais il est revenu sur ses anciens territoires comme le Mercantour dans les années 1990, venant d’Italie. Les mesures de protection dont il a bénéficié en Europe durant ces deux dernières décennies lui ont laissé le champ libre. L’exode rural, la reforestation ou encore la prolifération de nouvelles proies ont fait le reste.. Les éleveurs qui crient bien sûr au loup, comme la Fédération du Pastoralisme, déclarent que le chiffre de 500 têtes est largement dépassé en France contrairement à ce que proclame le ministre de l’écologie Nicolas Hulot et qu’il faut augmenter les « prélèvements », comme on dit pudiquement. Autrement dit les abattages… Or d’après les experts, on ne peut pas abattre plus de 10 à 12% des loups présents sur notre territoire. Encore faut-il savoir lesquels. Les conséquences de la mort d’un loup solitaire ne sont pas les mêmes que celles d’un « alpha », un « chef de famille » en quelque sorte.

Troupeaux vulnérables dans la région de l’Eychauda. (Ph Rochot)
Le chiffre des brebis égorgées, dont le seul spectacle révolte et bouleverse les éleveurs est également en augmentation : 12.000 en 2017 alors qu’elles n’étaient que 1400 en l’an 2000. Un carnage qui a coûté quelque 25 millions d’euros d’indemnisation l’an passé aux pouvoirs publics et qui crée surtout un mauvais climat : conflit entre les éleveurs et les autorités locales, les politiques, les visiteurs. Plus d’une voix s’élève aujourd’hui pour modifier les directives qui protègent le loup en Europe. Le député italien Herbert Dorfmann qui soutient les éleveurs se confiait dernièrement au quotidien des Hautes-Alpes « Le Dauphiné » : « Les textes qui protègent l’espèce datent d’une époque où elle frôlait l’extinction. La Convention de Berne a près de 40 ans. Aujourd’hui c’est l’équilibre et la présence humaine dans certaines régions qui sont en jeu »

Mise en garde aux randonneurs face au développement de la présence du Patou.
Car comment se protéger du loup ? Mettre plus de barrières, des enclos électriques, des veilles ou simplement des chiens ? Mais pas n’importe lesquels… Le traditionnel chien de berger n’est pas à la hauteur. Ainsi s’est développée la présence dans les Alpes du fameux Patou, chien de berger des Pyrénées difficile à dresser et qui met dans le même sac le loup et le randonneur … Quand on sait qu’il pèse une cinquantaine de kilos, on peut redouter pareille fréquentation. Des montagnards en ont fait l’expérience. Quand un GR longe un parc à moutons, le randonneur n’a pas forcément le réflexe de faire un grand détour. Dans les Pyrénées on l’utilise pour déjouer les attaques d’ours… C’est dire si l’humain ne fait pas le poids face à pareil animal au demeurant intelligent et affectueux quand on sait comment l’aborder.

Chien de garde du Tibet (région du Qinghai) Ph Rochot.
Certains éleveurs parlent à présent de faire venir les fameux chiens tibétains, les « mastifs » d’une efficacité redoutable dans la protection des troupeaux contre les loups. Le « cours » du mastif, très à la mode chez les Chinois il y a quelques années s’est effondré et ces molosses sont même régulièrement envoyés à l’abattoir alors qu’ils pourraient être utiles ailleurs… La polémique à propos de la présence du loup en France n’a pas fini d’alimenter le débat tout comme la présence de l’ours dans les Pyrénées. Un confrère du sud-ouest me confiait il y a quelque temps: « dans les Pyrénées on peut parler de tout, sauf de l’ours ». En viendra t-on à dire : « Dans les Alpes, on peut parler de tout, sauf du loup ».
Philippe Rochot
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