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Visa pour l’image: Mossoul, the place to be… Philippe Rochot

  • Photo du rédacteur: Philippe Rochot
    Philippe Rochot
  • 2 sept. 2017
  • 4 min de lecture

La fuite des civils de Mossoul: nov 2016. (c) Alvaro Canovas.

Des regards perdus, des enfants en pleurs, des femmes qui implorent et des soldats qui jouent les Rambo. L’offensive contre l’Etat islamique ne peut laisser indifférent quand on pénètre dans le couvent des Minimes à Perpignan. Cet endroit, c’est le fin du fin quand on est photographe et qu’on expose à Visa : un honneur, un hommage, une reconnaissance. Trois expos sont consacrées à la guerre contre Daech mais ne se ressemblent aucunement.


La Golden Division dans Mossoul (c) Alvaro Canovas.


Celle d’Alvaro Canovas d’abord. Il a suivi la « Golden Division », l’élite de l’armée irakienne, formée à l’américaine avec force équipement, fusil à lunettes, grenades à la ceinture, poitrine entourée de chargeurs, tenue de GI etc… Alvaro nous montre cette famille de réfugiés, hagards, fuyant Mossoul sous un ciel rougeoyant : vision d’apocalypse telle qu’on la voit souvent au hasard des églises ou des couvents où « Visa » accroche ses images. Il suit les colonnes de réfugiés mais n’oublie jamais la présence armée d’hommes ou de blindés qui nous rappellent qu’on est bien au coeur du conflit. Il a baptisé sa série “Amère conquête”.

Canovas a toujours une pensée pour son copain Pierrot, mort au Bataclan et ça lui donne des ailes pour « shooter » les combats contre Daech. C’est sa manière de venger un pote. Mais faut-il le croire quand il dit naïvement : « Contrairement aux armées syrienne et russe, les soldats irakiens ont toujours pris en considération le sort des civils.» Ce photographe de Paris-Match entré à la rédaction de l’hebdo est passé directement des reportages avec Nicolas Vanier sur le grand Nord aux attentats terroristes du 11 sept 2001: un choc, mais aussi une vocation pour témoigner des conflits du monde.


Mossoul: 500 000 civils ont fui la ville en trois mois d’offensive.  (c) Laurent Van der Stockt

En voyant le Mossoul de Laurent Van Der Stockt j’ai en mémoire cette image de la BBC où le photographe continue de faire ses images alors qu’une voiture piégée vient d’exploser devant lui, emportant dans son souffle deux soldats irakiens. C’est le même sang froid qui avait poussé le photoreporter à faire une enquête sur l’utilisation des armes chimiques par l’armée syrienne dans la région de Damas dès le printemps 2013.


Jean-François Leroy présentant les photos de Laurent Van der Stockt au Couvent des Minimes. (PR)

Laurent c’est du solide, une valeur sûre. Son travail a sa place au couvent des Minimes où il nous présente sa vision de la guerre de Mossoul. Il travaille sur le front avec les CTS, les forces spéciales du Service de contre-terrorisme, dépendantes du Premier ministre et non de la Défense, une autre unité d’élite. Laurent aime ces regards de menace, de détresse ou de terreur qui perçent la nuit. Il aligne plus de 50 images sur Mossoul et elles tiennent la route. L’approche de Lorenzo Meloni tranche avec celle des autres photographes. Lui c’est la désolation vue à travers quatre batailles majeures de l’offensive contre l’Etat islamique: Kobané, Palmyre, Syrte en Libye et la région de Mossoul. Il offre un cadre plus large à l’image, des scènes plus claires dans des paysages écrasés de soleil, mais des photos tout aussi fortes.


Église incendiée par Daech. Bakhdida (Qaraqosh), Irak, novembre 2016. © Lorenzo Meloni / Magnum Photos


Cette série sur Mossoul et le recul de l’Etat islamique est la première expo que cite Jean-François Leroy le patron de Visa en lançant ce 29ème festival. Il aurait voulu un plus large éventail des conflits du monde et ne s’en cache pas: « pourquoi sur la trentaine de conflits armés recensés cette année à travers la planète, seuls une poignée d’entre eux retiennent l’attention des photojournalistes ? Et le patron de Visa d’énumérer Congo, Somalie, Burundi, Narcos du Mexique, Philippines. Il est vrai que la priorité est donnée aux sujets qui nous touchent, qui nous concernent, qui ont des conséquences directes sur la vie de notre pays, sur notre existence même. C’est humain, logique, vital. Voilà pourquoi Mossoul est presque un sujet de politique intérieure française. La défaite du pseudo Etat islamique et le repli de ses djihadistes ont des conséquences directes sur notre vie. On trouvera toujours des conflits dont on ne parle pas, qu’on ne montre pas en images et qu’on juge sans intérêt. Pareil oubli reste d’ailleurs un argument d’attaque classique contre les journalistes. Sait-on qu’il y a plus de 200 conflits recensés dans le monde par les Nations Unies ? La liste comprend même le conflit des indépendantistes du Jura. Mais qui osera traiter ce genre d’histoire sans voir fuir ses lecteurs ?


Hommage rendu aux trois reporters tombés à Mossoul: Bakhtiar Haddad, Véronique Robert et Stephan Villeneuve. (Montage Paris-Match.)

Mossoul valait donc bien trois expos, ne serait-ce que pour rappeler que trois confrères sont morts dans cette bataille : Stephan Villeneuve, Véronique Robert, Bakhtiar Haddad, en mission pour « Envoyé Spécial », sans oublier l’otage britannique John Cantlie, prisonnier de Daech depuis 2012 et apparemment “exécuté” par ses ravisseurs en représailles à l’offensive de la coalition internationale sur la cité irakienne. Pour un festival de photojournalisme qui va fêter ses trente ans l’année prochaine, Mossoul était incontournable. Philippe Rochot


Visa pour l’image dans les rues de Perpignan. septembre 2017. (Ph Rochot)

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